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Intégrale Warner – Évidemment (229 titres – 2 inédits) / 13CD + 1DVD

Édition intégrale de la compilation Évidemment du 26 octobre 2004 proposée sous la forme d'un grand coffret fourreau de 13CD et 1DVD (229 titres), qui s'accompagne de 3 livrets de 96 pages avec une discographie, les paroles et des photos qui illustrent la carrière de France Gall

Édition intégrale de la compilation Évidemment du 26 octobre 2004 proposée sous la forme d’un grand coffret fourreau de 13CD et 1DVD (229 titres), qui s’accompagne de 3 livrets de 96 pages avec une discographie, les paroles et des photos qui illustrent la carrière de France Gall

Evidemment est une compilation parue en octobre 2004, sous la forme de plusieurs disques et coffrets, puis dès 2019, rééditée au format double vinyle avec des éditions spéciales (disque blanc, gris transparent, noir).

Les premières éditions en CD de 2004 (dont celle-ci) contenaient deux titres inédits : Une femme, tu sais et La seule chose qui compte. Cette édition est une acquisition de France Gall Collection et est numérotée 0969 sur 5000 exemplaires édités. Cette anthologie est aujourd’hui un objet de collection rare. Consultez le site Discogs si vous souhaitez vous en procurer un exemplaire.

Cette intégrale est une chose merveilleuse pour moi à laquelle je n’avais pas pensé. C’est vrai ! C’est rare de son vivant. D’ailleurs, c’est peut-être pour ça que j’ai demandé à Jacques Attali d’écrire un texte qu’on pourrait lire sur ma tombe. Avec une petite différence, je ne me suis jamais sentie aussi vivante. D’ailleurs, c’est avec le sourire aux lèvres que j’ai tout réécouté. Tout ça me parle plus que jamais. Tout m’est revenu. J’ai tout revécu, c’est bien. J’ai été étonnée d’avoir fait tout ça. En fait, je suis super fière. J’ai rempli ce que je pense être le rôle d’une chanteuse. J’ai ce sentiment et c’est très très agréable à vivre. France

Muse de France par Jacques Attali

Jacques Attali
Jacques Attali, né le 1ᵉʳ novembre 1943 à Alger, est un écrivain, chef d’entreprise, économiste et haut fonctionnaire français.

Elle est une énigme, par sa transparence même ; elle échappe à toute classification dans sa simplicité ; elle est une force par sa fragilité ; elle est à l’écoute dans sa solitude. Elle est la France, bien au-delà de son nom.

Tout artiste est mystère, énigme, complexité. Tout artiste se masque derrière son œuvre, torturé par l’acte de création, qui le définit, le dévore, l’emporte. France est tout cela, mais aussi, tout au contraire, faite de transparence, de clarté, de droiture. Elle est d’un bloc, sans concession, sans compromis, sans faux-fuyant. Elle réussit, privilège très rare, à mêler la force du créateur et la lucidité du critique. Elle juge, se juge, s’observe, établit des priorités et s’y tient.

Elle sait que rien ne vaut la vie ; et que l’œuvre d’un artiste ne vaut que s’il sait aller bien au-delà de distraire.

Car si, la distraction, comme disait Blaise Pascal, permet d’oublier, elle permet d’abord d’oublier ce qui distrait. Elle sait donc que son rôle est par sa musique, d’aller beaucoup plus loin que de distraire. Il est de consoler devant les petits et les grands malheurs de la vie.

Et elle sait que, pour consoler, il faut avoir vécu en sa chair combien la vie est le plus précieux des biens, le plus fugace aussi. Qu’elle est le cadeau le plus simple à donner. Et le plus facile à perdre.

Personne n’a jamais pu la réduire à un stéréotype. Elle n’est pas seulement l’interprète magique de chansons universelles, ni l’inspiratrice de textes et de musiques faisant aujourd’hui partie du patrimoine de la musique populaire mondiale. Elle est tout ça à la fois et bien plus encore, artiste absolue, multiforme, exigeante, rigoureuse, occupant tous les champs de la création musicale, de l’écriture à la mise en scène de ses spectacles. Cette multiplicité fait qu’elle n’est jamais là où on l’attend et qu’elle ne se répète jamais, même quand elle rechante une chanson ; elle lui permet de traverser les décennies sans cesser d’être en avance sur les sonorités de son temps.

Tout artiste est une force qui va, qui lui permet de créer.

Et France est une immense force, inébranlable, indestructible. Et pourtant France est une fragilité nomade, une vie précaire, sans cesse en mouvement pour ne pas tomber. Elle a la force de l’équilibriste, toujours tendue vers le but, sans jamais regarder le vide, portée par son mental plus que par son corps, comme s’il ne comptait pas pour elle. Elle a la force de la générosité, la vertu du partage, la grandeur du don, la démesure de la vérité, la dignité de l’offrande.

Elle a la fulgurance de la lumière, qui se donne et reçoit tout à la fois.

Tout artiste est narcissique. Il est poursuivi par l’ambition de s’isoler, de ne penser qu’à son travail, d’être égoïste au monde ; il ne parle que de lui-même, et il ne pense pas, en toute sincérité, que qui ce soit puisse s’intéresser à quoi que ce soit d’autre que son œuvre. France est d’abord à l’écoute. Elle sait s’intéresser, prendre soin des autres ; et c’est de cette passion du bonheur de tous ceux qui l’approchent qu’elle tire la grâce et la légèreté de sa générosité, qu’elle donne à chacun de ceux qui viennent l’entendre aussi intensément qu’à ses amis les plus proches.

Rarement un artiste s’est autant identifié au nom qu’il porte. France.

Elle en vit la douceur, la force, l’entêtement, la passion, le goût du rêve, le désir de vivre, la mesure et la quête d’amour. Comme son pays, elle inspire des créateurs, elle calme des angoisses, elle fait découvrir la sérénité, elle est riche de ce que les autres lui donnent. Comme son pays, elle sait trouver l’équilibre entre le neuf et le traditionnel, entre la folie et la mesure. Elle sait mêler les cultures, les sonorités, les idées, les bruits et les rythmes. Comme son pays, elle est capable de caprices, de foucades, de coups de foudre, de colère, de rupture, à la hauteur de ses déceptions. Comme le furent tant d’amoureuses avant elle, elle sait créer et faire créer par les passions qu’elle inspire. Comme Louise Labbé, Héloïse, Jacqueline Pascal et George Sand, elle a su illustrer par son œuvre le génie français tout en aidant à le faire éclore chez d’autres. Comme son pays, elle sait se relever après les pires malheurs, elle sait sourire à la vie, même quand la vie lui refuse un sourire.

Plus que tout, elle est celle qui donne à ceux qui écoutent le privilège d’être, un instant, assis à côté des anges, dans l’aveuglante clarté de l’invisible.

Biographie inédite par Richard Cannavo

2004 France Gall Livret discographie Évidemment Anthologie France Gall 13 CD 1DVD 003 2

C’est en 1963, alors que sur la France assoupie du Général déferle la folie yéyé, que surgit cette frêle gamine au visage d’ange.

C’est le temps des idoles et de Salut les Copains, du Golf Drouot et des surprises-parties – le temps de la jeunesse triomphante. Un phénomène aussi brutal qu’inattendu : dans le sillage du rock’n’roll venu d’Amérique, des torrents de décibels furieux déferlent sur le monde. Un véritable cyclone.

Une explosion autant musicale que sociologique : pour la première fois les adolescents, ces moins de 20 ans qu’on appelle alors les teenagers, prennent la parole, et quasiment le pouvoir. Pour la première fois la jeunesse est reine, et souveraine. Elle fait la pluie et l’air du temps, elle fait la mode parce qu’elle est la mode, aspirant ce nouveau parfum de liberté comme un oxygène des grands fonds : avec une avidité frémissante, et une impatience fiévreuse.

Teppaz et Coca-Cola, on danse twist et Madison lorsqu’une voix sucrée surgie des brumes vient susurrer Ne sois pas si bête avant d’entreprendre, un beau matin, de chambrer ce Sacré Charlemagne qui a eu « cette idée folle un jour d’inventer l’école. » En cette époque haletante des succès foudroyants et des stars météores, cet hymne jailli tout droit de la cour de récré sera entonné aussitôt par des armées de collégiens. France Gall est lancée. Elle a seize ans à peine ! En réalité, la petite Babou (Isabelle) Gall – à qui on a changé de prénom pour celui, plus patriotique, de France – ne surgit pas de nulle part.

Elle se souvient ici de son passé : « Mon grand-père maternel Paul Berthier était un saint homme et en plus, il était artiste, compositeur de musique liturgique. Son fameux Dors ma colombe a fait le tour du monde, chanté par les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, chorale qu’il a créée à vingt ans avec deux copains. Il tenait aussi les grands orgues, par plaisir ; à la cathédrale d’Auxerre, en face de laquelle il vivait avec sa femme Geneviève et ses 3 enfants, dont ma mère Cécile. Tous les jours, ils se retrouvaient en fin de journée dans le salon de musique pour jouer et chanter du Bach, en famille ou avec des musiciens. Dans la famille de ma mère, zut était un gros mot.

Mon père Robert Gall est né dans un joli village voisin à Saint-Fargeau. Il a perdu son père à l’âge de 2 mois, à la guerre de 14-18 et son unique frère à la guerre de 39-45.

Élevé par sa mère, mon père a une très jolie voix. C’est en faisant partie de la chorale de la cathédrale que dirigeait Paul Berthier, mon grand-père, qu’il rencontrera maman. Cécile a 16 ans, lui en a 18.

Mon père obtient un premier prix d’entrée au conservatoire de chant classique à Paris quand la guerre éclate.

Il est mobilisé à 20 ans. Il aura la vie sauve en attrapant la typhoïde. Les Allemands ont embarqué tout le monde, sauf mon père qui était contagieux. Plus tard, on l’enverra dans le spectacle aux Armées où il sera avec André Claveau, chanteur de variétés pour distraire les troupes. Quand il partira en zone libre, c’est en chantant de la variété ou en écrivant des chansons qu’il gagnera sa vie. Fini le classique. C’est à ce moment-là qu’il demande la main de ma mère à Paul Berthier qui lui refuse. On ne donne pas sa fille à un chanteur de variétés. C’est simple. Pour mon père aussi. Une nuit, il enlève ma mère et l’épouse. Dans la foulée, il répond à son beau-père à travers une chanson où il dit qu’il vaut mieux s’appeler « Mr Schubert » si l’on veut épouser la fille qu’on aime. Ce sera le premier succès de Robert Gall chanteur.

C’est à Paris dans le douzième arrondissement que je suis née le 9 octobre 1947, seize mois après la naissance de mes frères jumeaux.

Enfance normale, si ce n’est que mon père m’emmenait quelquefois avec lui, la nuit voir Piaf, sur scène ou chez elle, Boulevard Vannes. Il lui écrivait des chansons ou alors m’emmenait voir Charles Aznavour plusieurs jours en Belgique. Mon père lui a écrit le texte de La mamma, à la mort de sa mère – chanson qui a été reprise entre autres par Ray Charles. »

« À quinze ans, mon père me fait apprendre deux chansons à la guitare. Huit jours après, essai de voix sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées avec les plus grands jazzmen de l’époque, puis disque, et ça a marché tout de suite ! » Pourtant la presque-enfant qui déjà « ne veut pas d’une vie ordinaire » ne se sent pas grisée par le succès.

Ce volume est le numéro 18, paru en avril 2014, consacré à Serge Gainsbourg et France Gall. Cette édition fait partie d'une série de livres-CD de la collection "Signé Gainsbourg", diffusée en kiosques à partir du 26 août 2013.

C’est alors que son chemin va croiser celui d’un jeune homme singulier au talent redoutable : Serge Gainsbourg, en contrat avec le même producteur que France, Denis Bourgeois.

Jeune, Gainsbourg ? Pas tant que cela : il a trente ans, et aux yeux des « copains » qui, dans leur aveugle frénésie, rejettent sans pitié l’univers des adultes, « c’est un aïeul !» Mais Gainsbourg saura mieux que quiconque épouser la folie de son temps, et il se hissera tout en souplesse à la crête de cette vague écervelée en concoctant quelques petits chefs-d’œuvre. Quant à France Gall, qui se soucie déjà de la qualité de ses textes, elle sait que Serge Gainsbourg est un as en la matière, et elle va donc lui faire confiance. En attendant, leur première collaboration, en janvier 1964, permettra à la jolie France de commencer son ascension : N’écoute pas les idoles, puis Laisse tomber les filles et Attends ou va-t’en sont des succès.

Mais le triomphe, cette fois, n’est pas loin. Car l’année suivante va marquer une étape décisive dans cette carrière balbutiante en lui donnant une dimension internationale : France Gall représente le Luxembourg, à Naples, au grand concours de l’Eurovision. C’est encore une chanson de Gainsbourg qu’elle choisit, Poupée de cire, poupée de son. Elle l’emporte. Elle l’enregistrera dans six langues, et elle se vendra à des millions d’exemplaires. Cette chanson lui a fait faire le tour du monde alors qu’elle ne rêvait que de partir en vacances. Dans certains pays c’était plus fort que pour les Beatles ! Des gens la poursuivaient avec des ciseaux pour recueillir une mèche blonde. Elle était terrorisée …

Mais le pire reste à venir. Gainsbourg, toujours lui, propose à France une nouvelle chanson, Les sucettes, l’histoire d’une jeune fille insouciante qui adore embrasser les garçons comme ils aiment, et qui trouve que ça a bon goût. France trouve charmante cette histoire de bonbons, et l’enregistre. La chanson va devenir un succès étrangement mal compris autant par le public que par son interprète elle-même.

Lorsqu’elle découvrira le sens caché des Sucettes, France en sera profondément choquée. Longtemps France aura le sentiment d’avoir à assumer une image terrible : celle de l’adolescente un peu perverse façonnée par cette chanson.

Pour l’heure la baby star au charme fou est bien calée sur les rails du succès. Prise, aussi, dans le tourbillon de ces temps frénétiques : plus le temps de souffler, ni de vivre, juste chanter, et sourire, toujours chanter, toujours sourire. La gloire, c’est-à-dire des millions de disques vendus, des tournées, des photos, des bravos, encore des photos, la lumière crue des sunlights, des moissons de bravos, et puis les sanglots d’une petite fille éperdue, et seule, tout au bout de la nuit, une petite fille emportée dans la tourmente, prise dans un maelstrom où elle ne contrôle plus rien, ballottée dans un univers trouble où, captive d’une image ambiguë qui lui est étrangère, elle suffoque de plus en plus de son absence de vie.

Lassée de cette image, de ce mirage, elle va décrocher d’un seul coup. Un jour où elle participe à un forum radio, face à une trentaine de jeunes auxquels elle répond avec sa vivacité naturelle, une dernière question la laisse sans voix : « Dans vos chansons vous apparaissez comme une gamine naïve. Pourquoi vos paroliers ne vous montrent-ils pas telle que vous êtes ?» C’est une bonne question, en effet, qui la fera réfléchir. En attendant, elle va prendre ses distances avec ce métier qui ne la satisfait plus – qui, en fait, ne l’a jamais comblée vraiment, « j’ai arrêté de chanter parce que je crois qu’il est indispensable d’être fidèle à son image : il ne faut pas tricher »

Son silence durera cinq ans. En ces temps incertains où tout va trop vite, où la jeunesse semble brûler son énergie sans souci des lendemains, dans un mouvement de ressac incessant les idoles se bousculent au portillon de la gloire, elles naissent à l’aube pour disparaître au crépuscule, aussitôt remplacées.

France Gall comptera-t-elle finalement parmi ces sous-produits débités à la chaîne par un show business ayant perdu toute mesure, et la raison ? Sera-t-elle de ces stars météores écloses sous les sunlights pour s’effacer l’instant d’après, dans l’amertume et le silence ?

C’est au printemps 1973 que France entend, à la radio, une chanson qui la bouleverse : Attends-moi de Michel Berger.

Celui qui chante est un jeune auteur et compositeur surdoué qui, lui aussi, a débuté à l’âge de 15 ans (ce qui leur a valu à tous deux l’honneur d’être réunis – déjà ! – le 12 avril 1966, sur le plus célèbre poster de Salut les Copains, à quelques pas l’un de l’autre, mais sans qu’ils se soient adressé un mot ni un regard ce jour-là).

Il y a dans les chansons de Michel une rythmique inconnue jusqu’alors en France, un son différent, une autre façon de faire balancer la musique sur des mots simples. Et puis, et surtout, une sensibilité rare. Malgré son jeune âge, Michel a compris, en effet, comment transformer la fragilité en force, les douleurs en beauté, le silence en musique. Sur son enfance, sur ce passé qui a fait de lui cet écorché vif, jamais il ne s’exprimera, sinon à travers ses chansons.

Pour France, c’est le choc : c’est avec lui qu’elle veut travailler ! Elle parle. Il l’écoute, et entend même ce qu’elle ne lui dit pas.

Six mois plus tard, il va lui offrir La déclaration, une chanson qu’il avait écrite pour lui en pensant à elle. Une chanson qui, surtout, la réconcilie avec elle-même. Un énorme succès aussi qui, dix ans après Charlemagne, lui permet, d’un seul coup, de revenir dans la lumière.

Quand je suis seule et que je peux rêver

Je rêve que je suis dans tes bras

Je rêve que je te fais tout bas

Une déclaration, ma déclaration

« Michel était quelqu’un que je connaissais à peine et qui se mettait à raconter ma vie ! C’est aussi la première fois où je pouvais mesurer comment il me voyait. » La suite sera encore un single, « pour faire patienter » dit France. « Mais, aime là » est la chanson titre de ce single, avec en face B À votre avis, une des chansons préférées de France Gall. « Je téléphone à une amie/ Pour qu’elle se penche sur ma vie/ Est-ce que je l’aime à votre avis. » France s’en souvient en ces termes : « Toutes ces questions qu’on se pose dans ces moment-là. Et ça c’était vraiment moi ! Alors ils n’ont l’air de rien ces petits singles, mais en fait ils racontent tout !»

1975. Cette fois ils se sont « trouvés », et c’est le premier album commun, France Gall, qui contient notamment la fameuse Déclaration.

Un album qui comprend aussi Comment lui dire, Ce soir je ne dors pas ou Samba mambo.

« C’est mon premier album ! C’est un truc énorme pour moi ! Mais je crois que je n’ai jamais été anxieuse. Et puis j’étais complètement apaisée par le fait qu’il y avait quelqu’un qui prenait les choses en main. Avec Michel, j’ai pu chanter sur des chansons rythmiques ».

Ce premier album, c’est une manière d’effacer définitivement la France Gall des sixties : on est passé à autre chose. Il s’en vendra 50 000. « On était contents. J’avais tout de suite trouvé un public d’album. » De cet album elle garde une tendresse particulière pour Je l’aimais, le dernier titre, « une sorte d’hymne à l’amour sur un rythme incroyable » où Michel lui fait répéter à l’infini qu’elle l’aime.

C’est donc plus qu’un nouveau départ, c’est une révélation : désormais, elle le sait, rien – et surtout pas elle-même ! – ne sera plus comme avant. Mais Michel lui offre beaucoup plus que « deux ou trois mots d’amour pour lui parler de nous » : le mariage aussi, en juin 1976. France rayonne : depuis son adolescence, elle rêve d’avoir des enfants, une maison : « Je voulais réussir ma carrière de chanteuse, mais je ne voulais surtout pas passer à côté du reste !» Ils sont aussi dissemblables que complémentaires. En réalité, France a les pieds sur terre, et Michel la tête dans les nuages. « Elle est la terre, je suis l’air » disait-il d’ailleurs. Mais s’il est un point sur lequel ils se rejoignent, c’est leur désir de discrétion. Le modus vivendi atypique du couple s’affiche clairement dès leur mariage, sans photographes, à la mairie du 16ème arrondissement. Règle 1 : jamais on ne les verra ensemble. Quand l’un sera sur scène, l’autre se tiendra en coulisses, et réciproquement. « On ne parle pas de nos sentiments », répète invariablement Michel. « J’aime exister ; mais je n’aime pas être vue », proclame pour sa part France. « Ce qui n’est pas évident, dans ce métier où l’on s’expose !»

Une nouvelle vie, donc. Et une seconde carrière qui commence, lumineuse celle-là. Les musiques de Michel, ses mélodies sophistiquées, nonchalance et vibrations de l’âme, la chavirent ; ses mots la révèlent. Les chansons de Michel, littéralement, la ressuscitent. La nouvelle France est fraîche, et pure – elle ressemble, en fait, à la vraie Babou. Il était temps ! « La première fois que je me suis assise au piano à côté de Michel et qu’il m’a fait chanter, j’ai eu tout à coup l’impression d’être enfin à ma place. Avec Michel, j’ai commencé à me sentir bien à 100 %. »

Michel parle pour elle. Il sera sa voix, et sa voie. La vie de France est comme un chemin pavé de chansons signées Berger. Il va lui apprendre à vaincre ses peurs, à résister, à se donner. À exister. Il va lui apprendre le bonheur.

En 1976, pour une émission de télévision, Michel écrit Émilie ou la petite sirène, un conte musical d’une heure dont il restera surtout Ça balance pas mal à Paris, que France interprète en duo avec lui. Mais 1976, c’est aussi l’année du deuxième album, Dancing disco. Un album concept, l’histoire d’une fille qui travaille dans une boîte de nuit. Le disque contient Musique, qui en sera le premier extrait, et puis Si, maman, si et Le meilleur de soi-même. Le premier album d’or de sa carrière sera remis à France à New York, chez Atlantic, par Sam Goody en personne !

Michel ne se contente pas de lui tricoter des chansons, il va la convaincre de refaire un spectacle. « Quand je suis montée sur scène la première fois, j’avais 16 ans. Et pour moi, la scène, c’était l’horreur. Dès que j’ai pu, je me suis arrêtée, et je me suis dit : « Plus jamais ça !»

Michel la rassure, il lui affirme au contraire que la scène, seule, donne sa vraie dimension au métier, et qu’elle ne peut pas passer à côté d’un tel bonheur.

La sortie originale de l'album France Gall Live sous la référence 60137 date du 9 novembre 1978. Cette réédition de 2004 a été remasterisée.

En 1978, pour ce premier spectacle Michel lui écrit un single, Viens, je t’emmène, et ils choisissent le Théâtre des Champs-Élysées.

Michel a l’idée de la faire accompagner par un orchestre entièrement féminin – une première dans l’histoire du music-hall français. « Ça nous a pris un temps fou. Il fallait trouver une batteuse, une bassiste, une saxophoniste, deux claviers, un quatuor à cordes, des choristes … On était assez nombreuses, 18 filles sur scène, venues du monde entier ! »

La veille de la première, France apprend qu’elle est enceinte, et durant toutes les représentations, Michel, caché dans les coulisses, ne cessera de lui faire de grands signes de modération ! Le spectacle est un grand succès. Pour France, c’est une révélation : hors de toutes conventions et des carcans du récital, elle y montre sa volonté de faire bouger les choses et, surtout, de retrouver le naturel, de pouvoir exprimer, sur scène, comme un plaisir innocent, une vraie joie de jouer avec la musique et les mots.

Ce sera ensuite l’aventure Starmania. En janvier 79, elle est déjà sur scène pour les répétitions de l’opéra-rock devenu, depuis, mythique. Dirigées – selon le souhait de Michel et de l’auteur Luc Plamondon – par Tom O’Horgan, un Américain devenu légendaire après avoir mis en scène Hair et Jésus-Christ Superstar, les répétitions se passent mal : il y trop de différences de natures, et les disputes se multiplient. Mais le spectacle, un mois au Palais des Congrès, sera un énorme succès.

L’année suivante, l’album Paris, France contient l’un de ses plus grands succès, Il jouait du piano debout, une chanson sur la différence qui donne envie à Elton John de travailler avec eux : il voudrait que Michel lui écrive un album de duos avec France. Ils se rencontrent dans le midi et, très vite, Michel écrit Donner pour donner, qui sera enregistré dans la foulée à Los Angeles avec les musiciens d’Elton sous la direction de Michel. Le single sera un énorme succès, mais l’album envisagé ne se fera pas, car France est à nouveau enceinte. Reste que cette histoire demeure, pour elle, « un peu comme un conte de fées. »

Quant à son album Paris, France, avec 400 000 exemplaires vendus, il est disque de platine. L’ascension, régulière, se poursuit !

Janvier 1982. C’est la grande rentrée de France, au Palais des Sports cette fois. Entre-temps, son quatrième album solo, Tout pour la musique, surfe en tête de tous les hit-parades avec des titres qui, pour la plupart, sont loin d’être anodins.

Dans Diego, hymne dédié à tous les prisonniers politiques, elle chante : « Derrière des barreaux/ Pour quelques mots / Qu’il pensait si fort (…) / Diego, libre dans sa tête/ Derrière sa fenêtre, / Déjà mort peut-être … » Dans La prière des petits humains, elle dit : « Dieu de là-haut/ Venez nous sauver du chaos (…)/ Sauvez-nous de nous … » Et sur ce même album comme habité, dans Résiste, elle clame, avec une sorte de rageuse fierté : « Si on veut t’amener à renier tes erreurs(…)/ Résiste/ Prouve que tu existes (…) / Viens, bats-toi, signe et persiste … »

Cette audace nouvelle lui va bien. Michel Berger, surtout, lui réussit de mieux en mieux. En réalité son mari, auteur et compositeur, est surtout un remarquable interprète : celui de la vraie nature de France. Pour la première fois sans doute, celle-ci peut réellement proclamer qu’elle ressemble à ce qu’elle chante !

Le Palais des Sports, donc. Dans cette impitoyable pierre de touche du talent et du succès, on se dit que la minuscule France va se noyer. 4 000 places, une arène fiévreuse, on est loin de la bonbonnière du Théâtre des Champs-Élysées où, voici quatre ans, elle avait conforté son image gracieuse et acidulée. Déjà sur ses affiches, elle offre un nouveau visage, creusé, pensif. Ici, sur la scène immense, devant une section d’assaut de douze musiciens, accompagnée de trois choristes et de trois danseurs endiablés, elle s’impose vraiment pour la première fois, avec une force extraordinaire. Elle chante les couplets ciselés sur mesure par son mari, bouge sans cesse, s’assoit sur le piano, s’éloigne sous des averses de néons multicolores pour revenir dans la pénombre avec un titre plus intimiste, focalisant autour de sa silhouette inlassable le Palais des Sports tout entier. Rayonnante. Heureuse. Cette nouvelle image, qu’elle a souhaitée, correspond mieux à ce qu’elle est devenue : « Une femme libre qui se débat pour réussir ; une femme bien dans sa peau et maîtresse de son destin.»

« C’est là que j’ai vraiment découvert la scène, avec les gens qui tapent dans leurs mains et qui chantent à l’unisson. C’est là que j’ai compris cet échange extraordinaire que représente la scène. Ce qui se passe quand on chante devant un public – je devrais dire avec le public – c’est tout simple : c’est de l’amour. Personne ne se connaît dans cette histoire-là, et pourtant on s’aime ! J’ai tenu 6 semaines et j’ai éprouvé une joie incomparable à le faire »

Elle conclut : « J’ai fait mes preuves, là, vraiment. Je suis devenue une chanteuse qui fait de la scène. » Cet album-là a fait double disque de platine.

Débranche ! est le cinquième album studio que Michel Berger a produit pour France Gall en 1984

1984. L’année de Débranche ! un album bourré d’énergie qui a rallié tout le monde, branchés, pas branchés, jeunes, vieux, ils ont tous aimé. Sur cet album figure aussi l’un de ses joyaux, un petit chef-d’œuvre tout en finesse ciselé par un Michel Berger en état de grâce :

Cézanne peint / Cézanne peint / Et il éclaire le monde pour nos yeux qui ne voient rien / Si le bonheur existe / C’est une épreuve d’artiste / Cézanne le sait bien.

Dans la foulée, France va s’installer pour quatre semaines au Zénith. Elle est la première fille à oser affronter le temple du rock et ses 6 000 places, où elle se sent tout de suite à l’aise. Encore un sacré pari, mais qu’elle mène avec une tranquille assurance : on a l’impression que, désormais, plus rien ne peut l’ébranler. Ainsi, la veille de la première, le metteur en scène abandonne le navire, et il faut refaire tous les costumes, qui ne vont pas : imperturbable, France assure. Le spectacle est un triomphe. Il sera suivi par un mois de tournée.

Le raz-de-marée France Gall se propage, irrésistible, sur tout l’hexagone, et, de tube en tube, d’album en album, prend plus d’ampleur à chaque fois ; le public s’identifie complètement tant à la chanteuse qu’à la femme.

1987. L’album Babacar, encore un réservoir à tubes avec la chanson éponyme, avec aussi Ella, elle l’a et son je ne sais quoi, La chanson d’Azima et, surtout, bouleversante, magnifique, Évidemment, dédiée à Daniel Balavoine, l’ami précieux disparu dans les sables du désert. C’est le disque préféré de France. « On a enregistré ça à quatre musiciens, très concentrés, très concernés. On passe quand même à autre chose. C’est un disque plus grave. »

La chanson J’irai où tu iras contient cette incroyable phrase prémonitoire : « Je suis peut-être celle qui te fermera les yeux. »

C’est une rencontre décisive encore, de celles qui changent le cours de votre destinée : la découverte de l’Afrique. C’est son ami Daniel Balavoine qui va sensibiliser France au continent noir. Ensemble, ils se rendront sur le terrain et, après avoir tenté en vain de rameuter les bonnes volontés, ils créeront Action École, 15 000 comités chargés de collecter des vivres dans les classes pour venir en aide à ceux qui meurent de faim. « On s’était dit que puisqu’on n’arrivait à rien avec les adultes, il fallait s’adresser aux enfants !»

Babacar est le sixième album studio que Michel Berger a produit pour France Gall en 1987.

En janvier 1986, elle se trouve au Sénégal pour perpétuer l’œuvre d’Action École. Apercevant un bébé dans les bras de sa mère, France s’approche pour dire à celle-ci combien elle le trouve beau. « Alors prends-le, je te le donne ! » lui répond la jeune femme en lui tendant le nourrisson.

France est bouleversée. « Cette femme aimait son enfant. Elle ne voulait s’en séparer que pour lui épargner une existence misérable. Je ne pouvais pas le lui enlever. Alors nous avons choisi de veiller sur lui de loin. »

Avec ses multiples hits, l’album Babacar est un triomphe. On y trouve une France à la fois plus grave et plus sereine, portée par les textes d’un Michel plus sombre que d’ordinaire. Ce disque est une sorte de carnet de voyage, évocation de leurs rencontres avec tous ces damnés de la terre, ombres lointaines et oubliées des hommes. À nouveau, comme aux grandes heures des sixties, la popularité de France déborde des frontières. Ainsi, la chanson Ella, elle l’a sera le quatrième plus gros tube européen du millésime 87, avec par exemple 800 000 exemplaires vendus en Allemagne ! Le disque contient un autre titre qui touche particulièrement France, C’est bon que tu sois là, et puis La chanson d’Azima qui, à ses yeux, est l’un des plus beaux textes de Michel :

Dis-leur que la nuit tombe

Sur cette affreuse urgence

Et que c’est sur nos tombes

Que le désert avance

L’album Babacar reste à ce jour son plus gros succès. Il sera suivi d’un second Zénith, une sorte d’apothéose, un spectacle magnifique avec rien moins que l’Afrique sur scène – les tambours de Doudou N’diaye Rose pour Babacar -, une section de cuivres américains – les Phoenix Homs, arrachés aux studios californiens -, et son groupe, dirigé par Jannick Top. Un spectacle somptueux mais tout en simplicité, sans artifices ni lumières agressives. « On a vraiment fait un beau spectacle. J’ai eu envie de m’arrêter après, parce que je ne voyais pas ce que je pourrais faire de mieux. »

Après le Zénith, en cette année 1988, France décide donc de stopper la chanson. Elle l’annonce à Michel, qui est effondré. Il voudrait aussi faire un film avec elle, mais elle refuse : elle déteste toujours jouer la comédie. « En fait, mes priorités avaient complètement changé. Parce que les années 80, ça a été un rythme de fous, effrayant. Moi je me sentais vraiment le besoin de souffler !»

Double jeu est le septième album studio que Michel Berger a produit pour France Gall, en duo avec lui.

Elle va stopper quatre ans. Mais elle doit à l’honnêteté de dire qu’elle se sent un peu tourner en rond … Elle suggère alors à Michel de faire enfin le disque en duo dont ils parlent depuis toujours. Ce sera Double jeu, en 1992.

« C’est un album très particulier. Michel a toujours dit que cet album était un compromis. Il m’a laissé toute ma place »

Le dialogue est riche entre eux : non pas un frein ou une gêne, mais un enrichissement, ce qui explique que cet album ne ressemble à aucun autre.

Ils ont prévu de faire une longue série de concerts, Double tour. À Paris, ils doivent commencer par la Cigale pour finir à Bercy. Le 22 juin – date anniversaire de leur mariage ! – lors d’un show case au New Morning organisé pour présenter l’album, ils offrent un avant-goût de ce que sera leur spectacle : un bonheur ! « Avec Michel on avait beaucoup d’humour dans la vie, on s’amusait énormément, et ça se retrouvait sur scène, c’était très agréable. On s’apprêtait à passer ensemble une année de musique, et on s’en régalait à l’avance !»

Hélas, quelques semaines plus tard, le 2 août, le ciel bleu de Provence lui tombe sur la tête : en vacances dans sa propriété de Ramatuelle, Michel succombe à une crise cardiaque, à 44 ans. Lui qui avait endeuillé chacun de ses albums de paroles inquiétantes, du Paradis blanc à la prière de L’orange bleue – « Revoir mon frère, redevenir poussière » – disait souvent : « La mort, c’est étrange : les adolescents y pensent et les adultes l’oublient. »

Trois mois après la disparition de Michel, France trouvera le courage de se rendre en Afrique du Sud avec son copain d’enfance Jean-Marie Périer pour le tournage du clip de Superficiel et léger, cette chanson qui tenait tant à cœur à Michel. « France est une femme magnifique, rare, formidablement tournée vers la vie sans rien renier de sa peine, rapporte alors Jean-Marie Périer. Elle sait prendre sur elle, trouver des réserves d’humour au milieu des trous noirs, rire d’elle-même. Elle était à la fois proche de nous et enfermée en elle-même, veillant sans faille à ne jamais donner sa tristesse en spectacle. » Son sens de l’humour a toujours été le meilleur bouclier de France. Et son énergie, son enthousiasme, ses meilleures armes, qui lui permettent de soulever des montagnes.

C’est alors que son producteur, qui a annulé toutes les petites salles, s’inquiète auprès de France de ce qu’il doit faire de la réservation de Bercy. Elle lui demande jusqu’à Noël pour réfléchir.

« Ma seule hésitation venait du fait que je n’avais jamais rien fait toute seule. J’avais toujours eu besoin de l’intelligence des autres, je m’étais toujours laissée porter. Mais je savais que je dirais oui, très vite je me suis décidée. Alors que j’avais toujours dit que je m’arrêterais, à partir de ce moment-là, tout a changé en moi. Et c’est vers la musique que j’ai eu envie d’aller, alors que je m’en étais éloignée, et que j’aurais très bien pu m’arrêter après le départ de Michel, sans que personne ne trouve rien à y redire ! Mais, quelque chose me poussait à continuer, quelque chose me disait que si j’arrêtais comme ça, je le regretterais. Ça ne faisait pas une fin, il y avait quelque chose d’inachevé, et je sentais confusément que ça me hanterait. »

Bercy donc, « parce que la musique, c’est la vie. »

Bercy, septembre 93. Seule, à double titre : y affronter pour la première fois le public sans être « tranquillisée par le regard de l’autre » ; et assumer, seule, cet énorme travail. « Parce que je n’avais plus personne ! Il me fallait décider de tout. J’ai dessiné un décor, j’ai pris les musiciens de Michel et tout un groupe de choristes et danseurs de l’association Droits de cités, dont je j’étais la marraine, et j’ai fait Bercy, puis une tournée d’un mois. Ces jeunes des banlieues et leur culture hip-hop m’ont beaucoup aidée, et beaucoup appris. En fin de compte, à ce spectacle, il y a eu beaucoup de monde, et beaucoup d’amour – le seul mot qui compte ! Parce que faire de la musique, c’est un acte d’amour : l’esprit des gens se mélange … »

À Bercy, lorsqu’elle pénètre sur scène, seule, France est profondément triste. « Je ne vous ai pas vus depuis six ans, et en six ans la meilleure chose qui me soit arrivée, c’est d’être ici ce soir. »

Elle chante sans effets, sans effort, elle chante comme on respire, comme on soupire, parfois, lorsque le passé surgit. Sur cette scène immense, les mots de Michel planent comme une absence et, chaque soir, l’émotion est à son comble pour La minute de silence, une chanson que Daniel Balavoine et Michel avaient chantée ensemble autrefois : « Écoute ce qu’il reste de nous (…)/Et de cet amour fou/ Et fais quand tu y penses/ En souvenir de nous/ Une minute de silence. »

Lorsque l’aventure s’achève, France a tout de suite envie de refaire un spectacle. Ce sera Pleyel, une salle dont elle rêvait jadis avec Michel, et qu’elle investit neuf mois à peine après Bercy, en septembre 94, avec un spectacle complètement différent, et un nouveau groupe de musiciens !

France y apparaît irradiante, tonique, mais surtout insolemment libre dans sa tête, neuve dans sa façon de bouger, audacieuse dans ses interprétations. Elle dit alors : « Mon moteur, c’est l’optimisme. L’envie. Je ne voudrais pas qu’on dise que je fais de la scène avec l’énergie du désespoir : Si je n’avais pas eu la musique, j’aurais trouvé autre chose. Je crois encore et je croirai toujours que la vie peut m’apporter du beau. » Elle fera huit jours à Pleyel, sans presse, sans aucune promotion, suivis d’un mois de tournée. « C’était pour mon plaisir. J’avais simplement envie de faire cette musique. »

Le rideau retombé, France plie bagage et part vivre à Los Angeles pour quelques mois. Elle aspire au soleil, à l’éloignement, et puis elle voudrait - suivant le vœu de Michel – que les enfants apprennent l’anglais.

Là-bas, elle va réaliser un nouveau tour de force : l’album France. Le challenge le plus difficile de sa vie, affirme-t-elle. Elle y travaillera de longs mois, avec plusieurs producteurs américains, et enregistre à Record Plant, le studio mythique. Le tout sans parler anglais ! Qu’importe, elle apprendra ! « C’était une bataille constante, je me rendais compte que ça n’allait pas dans la direction que je souhaitais. Mais, au bout du compte, j’ai obtenu un son unique. Ce disque ne ressemble à aucun autre »

France Gall - France - 8ème album – 29 mars 1996

France, qui sera disque de platine, est un album singulier, parfois déroutant, d’une rare exigence. Une basse omniprésente, des guitares en avant, une rythmique très dansante, des chœurs à profusion, et puis une voix plus grave qu’à l’accoutumée, sa voix « naturelle », dit-elle.

Il semble qu’elle n’ait jamais aussi bien chanté. Elle est accompagnée par des musiciens de Prince, de Miles Davis ou de Frank Zappa : rien que des pointures ! À un journaliste qui s’extasie : « Vous ne vous refusez rien !», elle répond du tac au tac : « C’est à Michel que je ne refuse rien !» Elle revisite ici quelques standards de Berger, sa bonne étoile, et quelques titres moins connus comme Que l’amour est bizarre, la première chanson qu’il ait écrite et chantée après l’avoir rencontrée, en 1974 ! « Dieu que l’amour est bizarre/ Hier je te croise sans te voir/ Hier je te parle sans savoir/ Que je t’aime déjà. » Ou encore Lumière du jour, la seule chanson pour laquelle Michel lui ait dit : « celle-là, je l’ai écrite pour toi », parce qu’il «ne trouvait pas intéressant de parler du bonheur !» : «Tu es ma lumière du jour/ Tu es mon ultime amour/ Et si le poids se fait trop lourd/ J’appelle ton nom à mon secours.»

Mais la chanson qui légitime l’album à ses yeux, celle qui s’impose par sa force et sa signification, c’est Plus haut, écrite en 1980. Le temps, la vie, lui ont donné une dimension extraordinaire.

Plus haut

Celui que j’aime vit dans un monde

Plus beau

Bien au-dessus du niveau des mots

Dans un univers au repos …

« En studio, j’avais la chair de poule tellement je trouvais, incroyable que cette chanson, écrite quinze ans auparavant, corresponde si fort à la réalité du moment. »

Son interprétation aussi est une métamorphose, vibrante de passion contenue. C’est à Jean-Luc Godard, cinéaste inclassable, que France demandera d’en réaliser le clip. Hélas, ce film que la Warner a payé au prix fort ne pourra jamais être exploité, Godard ayant omis d’acquitter les droits de tous les extraits de films et d’œuvres d’art qu’il a utilisés !

À un journaliste qui lui demande bêtement « Mais à quoi sert cet album ?» France répondra, radieuse : « À me rendre heureuse !» C’est une bonne réponse. Parce que, malgré les tempêtes, France reste invariablement optimiste, et que sa force de vie, saisissante, l’emporte sur le malheur.

Après l’album, comme toujours, ce sera la scène. À l’Olympia cette fois.

Une première pour France, qui ne s’y est jamais produite.

« C’est une salle qui m’a angoissée dès que j’ai commencé ce métier : je n’ai jamais voulu y chanter » Un nouveau défi donc, avec, cette fois, rien moins que les musiciens de … Prince, Stevie Wonder et Sting ! « J’ai répété avec eux, et nous avons fait l’Olympia. C’est un spectacle très particulier, qui lui non plus ne ressemble à rien de ce qui a précédé.» Un spectacle très funky, énergique, et libre.

Le 22 mars 1997, trois mois plus tard, France donnera un concert privé acoustique pour M6, « ce que j’ai fait de mieux à la télévision », disait-elle alors. Ce seront ses dernières prestations live sur le petit écran.

Ce seront les derniers rayons de lumière avant de nouvelles ténèbres : la mort de sa fille, Pauline, 19 ans. Pauline, c’était le bonheur et la tragédie de France, sa fierté et sa déchirure. Née en 1978, la petite fille aux yeux clairs est un nouveau soleil dans cette vie où tout, alors, semble lui réussir. Un mari, un foyer, deux enfants, son rêve de toujours est devenu réalité, doublé de surcroît d’une réussite professionnelle exceptionnelle : depuis sa rencontre avec Michel, le succès – pour l’un comme pour l’autre – ne se dément pas.

Tête haute, regard droit, ce petit bout de femme à l’énergie rayonnante a survécu à tout : à la déferlante yéyé, à une traversée du désert, à un changement radical d’image, et puis aux blessures les plus cruelles qu’inflige parfois la vie à ceux qu’elle semble avoir le plus gâtés.

Elle a su surmonter ses doutes et le chagrin. Aujourd’hui, ravissante toujours, enthousiasme intact, France Gall apparaît comme une femme accomplie, et heureuse.

Richard Cannavo

Note de l’éditeur : Après un retrait public et un silence médiatique de plusieurs années, le 9 octobre 2001, puis le 3 décembre 2002, on retrouve avec émotion une France Gall qui se livre sans fioritures, lors d’un autoportrait passionnant sur France 3, qui réunira plus de 9 millions de téléspectateurs.


Séance de studio … par France Gall

Avant de commencer, il faut savoir ce qu’est une séance de voix en studio d’enregistrement, ce moment où on doit chanter devant un micro avec son casque réglé sur la tête, son texte posé devant sur un porte-partition vissé au plus haut, car je chante debout, une petite lumière éclairant juste la feuille de mon texte. Et, posé à proximité, un grand verre de tisane au miel, car chanter donne soif !

Ce n’est pas du tout anodin de chanter, ce n’est pas seulement aller chercher de l’air au fond de soi et le restituer en notes et en mots. On se met en danger, car c’est dans l’ombre du studio qu’on s’expose le plus, puisque c’est le moment où notre voix va être imprimée pour toujours ; c’est cette voix qui va atterrir dans les oreilles de millions de personnes ; c’est cette voix qui va leur plaire ou leur déplaire. On est angoissé de chanter en studio. On n’a pas encore vécu avec la chanson que l’on doit la faire vivre. On se prépare la voix des jours à l’avance, on n’embrasse plus personne, on enfile un cache-nez, et on n’ouvre plus la bouche. En studio, une fois que je suis installée face à mon micro et un pop screen qui atténue les P, les F, les B, je demande que l’on envoie le play-back une fois. Je n’aime pas répéter une chanson. Je chantonne pour faire les balances dans mon casque et pour permettre à l’ingénieur de régler mon son de voix. Si ce n’est pas ce qu’on veut, on essaye un autre micro. Mais, finalement on revient toujours au même, c’est mon micro, un Neumann U47. C’est lui qui me fait une voix ronde, mais, avec du caractère – je n’aime pas ce qui est aigu et agressif à l’oreille. Jusqu’en 1992, Michel dirige toujours ma voix, c’est-à-dire qu’il me dit ce qui ne va pas, avec beaucoup de doigté, car, en tant qu’interprète lui-même, il sait que c’est un moment délicat, où le moindre mot peut vous démotiver et vous freiner dans l’atteinte de ce but : faire une interprétation qui va mettre la chanson en valeur. Je n’ai jamais cherché à faire autre chose. Je me suis toujours mise au service de la musique. Plus le temps passe, mieux on chante. Il n’y a pas deux chanteurs pareils, puisque c’est l’âme qui finalise et que nous sommes uniques.

Les disques de l’intégrale

CD 1 : France Gall et Dancing Disco (1975 – 1977) – CD 2 : Live au Théâtre des Champs Elysées (inédit en CD – 1978) + titres rares – CD 3 : Paris France et Tout pour la Musique (1980 – 1981) – CD 4 : Live au Palais des Sports (inédit en CD – 1982) – CD 5 : Débranche ! et Babacar (1984 – 1987) – CD 6 : Live au Zénith (1985) – CD 7 : Live au Zénith (1985) suite + titres rares – CD 8 : Le Tour de France (1988) – CD 9 : Double Jeu (1992) + titres rares – CD 10 : Live à Pleyel (1994) – CD 11 : France (1996) – CD 12 : Live à l’Olympia (1997) – CD 13 : Concert Privé M6 (1997) – DVD : Live à Bercy (1993)

Les inédits

Si l’on pouvait vraiment parler (inédit en CD) – A votre avis (inédit en CD) – Une femme, tu sais (Inédit) – Live Théâtre des Champs-Elysées (concert de 1978 inédit en CD) – La tendresse des mots (inédit en CD) – Le monologue d’Emilie (inédit en CD) – La seule chose qui compte (inédit) – Les accidents d’amour (inédit en CD) – Les aveux (avec Elton John – inédit en CD) – Palais des Sports 1982 (inédit en CD) – Babacar (version longue Allemande – inédit en CD) – Ella, elle l’a (Remix Angleterre – inédit en CD) – Pleyel (Concert 1994 – inédit) –

Photos : Coffret et fourreau

L’intégrale se présente sous la forme d’un grand fourreau cartonné de 30 cm x 43 cm à l’intérieur duquel on retrouve un dépliant 3 volets en plastique transparent. Ils contiennent disques et livrets.

Photos : Livret discographie

Ce livret est dédié à la discographie de 1974 à 2004 et contient une introduction de France Gall, un texte de Jacques Attali et un texte de Richard Cannavo.

Photos : Livret des paroles de chansons

Photos : Livret album de photos

Ce livret contient une série de 22 photographies de France Gall, certaines très connues, d’autres moins par Jacques Parnel pour la couverture ou encore Tony Frank, Murielle Bisson, Thierry Boccon-Gibod, Dominique Issermann pour ne citer qu’eux.

Photos : Les disques