France Gall, poupée de chant

France Gall est deux fois présente dans ce numéro de « M.A.T. ».

Elle évoque ses débuts dans la chanson, et vous donne dans le cahier beauté, quelques trucs pour être toujours jolie. Photo : Jean-Marie Périer.

Mai : « Teint parfait », dit France Gall

Pour avoir le teint frais de France, il vous suffit de suivre son exemple : deux fois par semaine, le soir avant de vous coucher, appliquez sur votre visage (sans oublier le cou) un masque aux fruits. Ces fruits seront utilisés la plupart du temps crus, râpés ou écrasés à la fourchette, puis étalés sur de petites bandes de gaze. Si vous avez le teint un peu terne au sortir de l’hiver, les premières fraises l’éclairciront à merveille. Abricots, pêches, prunes et ananas auront le même effet désincrustant. La pulpe du raisin vert est idéale pour les peaux à tendance acnéique. Cuite et écrasée dans du lait, la pomme a une action purifiante.

France Gall : « Ma vie de vedette » (deuxième partie)

Le mois dernier, en vacances à Noirmoutier, France avait déjà évoqué pour nous ses souvenirs d’enfance. Elle nous parle aujourd’hui de ses débuts dans la chanson, qui, dit-elle avec beaucoup de gaieté, « ne furent pas particulièrement difficiles ».

Mon père avait donc décidé de faire « tester ma voix » et il me conduisit chez un professeur de chant de ses amis. Maman n’était pas d’accord du tout : elle m’imaginait déjà courant de cabaret en cabaret … Mais papa a tenu bon, et comme mon essai chez son ami lui avait plu, il me conseilla de persévérer dans cette voie. Quelques mois après, le 9 octobre 1963, le jour de mes seize ans, mon premier disque sortait : je n’étais pas un peu fière ! Le titre : « Ne sois pas si bête ». Tout de suite, il eut du succès … Papa était aussi heureux que moi. La seule ombre au tableau : maman ! Elle ne voulait rien savoir, tout au moins apparemment car, au fond, elle était très fière de moi ! Mais cela, je l’ai appris plus tard. A l’époque, cela créait une atmosphère assez tendue à la maison, et je dois dire que j’en ai souffert. Finalement, tout s’est arrangé le jour où j’ai décidé de lui parler franchement. Nous sommes restées des heures entières dans ma chambre et cela a été merveilleux : j’ai découvert en elle mon alliée la plus sûre ! C’est à peu près à ce moment que les événements se sont précipités : les rendez-vous se multipliaient, et les séances de photographies absorbaient tout mon temps, cela me faisait tout drôle de m’entendre de plus en plus souvent à la radio. Il m’a fallu choisir entre la chanson et les études : c’est à regret que j’ai abandonné celles-ci à la fin de ma classe de 3e. Mes camarades du lycée Paul-Valéry ont tous été formidables : ils avaient tellement l’air convaincus de mon succès futur que j’ai eu moins de peine à quitter le lycée ! J’ai enregistré successivement deux titres qui ont marché très fort : « N’écoute pas les idoles ». Une chanson que Serge Gainsbourg avait écrite pour moi, et « Les rubans et la fleur » composée par mon père. Aussitôt sorties, ces chansons ont grimpé les échelons du Hit-parade : c’était le succès, mon rêve enfin réalisé ! Mes deux frères, Philippe et Patrice, m’ont beaucoup aidée à ce moment-là. Ils trouvaient que le registre assez aigu de ma voix se prêtait bien à l’interprétation de morceaux influencés par le jazz. J’aimais beaucoup le style des « Swingle Swingers », et j’ai essayé, dans mon quatrième disque « Jazz à gogo », de réaliser quelque chose de semblable… tout au moins du point de vue technique ! Mes premiers contacts avec la célébrité ont été assez difficiles : dans le grand appartement où j’habitais avec mes parents, le téléphone sonnait continuellement et les visites d’admirateurs et d’amis duraient toute la journée ! J’ai été obligée d’engager une secrétaire, tant je recevais de lettres. Bien sûr, maman était encore parfois de mauvaise humeur, mais elle était si heureuse du succès de sa fille qu’elle retrouvait vite le sourire ! Je savais d’ailleurs comment la rassurer. Quand le tourbillon de mes rendez-vous dans les studios l’affolait trop : le soir, je l’appelais dans ma chambre, et je lui contais, un par un, tous les événements de ma journée. Ces longues conversations nocturnes me donnaient du courage pour le travail du lendemain, et je n’ai d’ailleurs pas perdu cette habitude. Bien sûr, maintenant cela nous est plus difficile, car j’ai souvent des galas ou des tournées en province et à l’étranger, mais c’est une sorte de code tacite entre nous : dès que maman sent que quelque chose ne va pas, elle vient me voir dans ma chambre et soudain il me semble que tout va mieux. Je crois d’ailleurs que j’ai été beaucoup aidée à mes débuts par l’affection et la compréhension des miens. Je vous ai parlé de Serge Gainsbourg : il a joué un rôle très important dans ma carrière. Il écrivait beaucoup de chansons exactement adaptées à mon style, à ma personnalité. Un soir, j’étais chez moi à jouer avec mon chat et mes deux chiens quand le téléphone sonna : c’était Serge. « J’ai une chanson formidable pour toi », me dit-il. C’était, bien sûr, vous l’aviez deviné : « Poupée de cire, poupée de son » …

Cette chanson m’a plu tout de suite bien sûr ! Je suis allée voir Serge dès le lendemain et j’ai décidé de faire le disque. Philippe et papa ont tellement aimé « Poupée de cire, poupée de son » qu’ils m’ont alors conseillée de présenter la chanson au « Grand Prix de l’Eurovision ». J’ai d’abord refusé : je ne me voyais pas du tout représenter la France lors d’un concours si difficile ! Mais Maurice Tézé, mon imprésario et ami, était aussi de l’avis de papa. Je suis donc allée voir « tonton ». Tonton, c’est mon éditeur et directeur artistique, celui qui s’occupe de tout pour moi, et qui m’aide à choisir mes chansons : il a été enthousiasmé par l’idée de présenter « Poupée de cire, poupée de son » à l’Eurovision. Le sort en était jeté ! Pendant toute la durée qui a précédé le Grand Prix, je n’ai pas eu une seconde à moi ! Brigitte, mon attachée de presse, s’est chargée des relations avec les journaux, la radio et la télévision.

C’est elle aussi qui m’a conseillée sur le choix de la robe et de ma coiffure pour ce soir-là ! Plus la date du concours approchait, plus j’étais émue, et moins je croyais en moi !. .. Papa me calmait en m’expliquant que j’étais trop impressionnable et qu’il n’y avait vraiment aucune raison de m’énerver à ce point. Enfin, le jour tant attendu arriva et vous savez la suite : le 5 mars 1965, j’ai eu la joie immense de remporter le Grand Prix Eurovision de la chanson, devant un jury international ! Tous mes amis étaient là, et je dois dire que ce fut l’un des plus beaux jours de ma vie ! Tonton, qui d’habitude est intraitable, et ne me fait jamais de compliments, m’a embrassée en me disant : « Tu as été sensationnelle ! »

J’étais tellement émue que j’ai pleuré ! Le lendemain, malgré les coups de téléphone, les télégrammes de félicitations qui pleuvaient et les visites d’amis, j’ai décidé de prendre quelques jours de vacances car je savais qu’ensuite, j’allais avoir de plus en plus de travail à Paris.

Magazine : Mademoiselle Age Tendre
Date : Novembre 1969
Numéro : 60

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