« La déclaration», c’est le nouveau titre de France Gall, ou plutôt, c’est le titre de la nouvelle France Gall.
Car il faut se rendre à l’évidence : la poupée de son qui chantait les sucettes n’est plus une petite fille.
D’un long silence est née sa maturité toute neuve, qui s’exprime avec éclat aujourd’hui dans une chanson signée Michel Berger.
France était étiquetée depuis des années comme « l’éternelle gamine» à la voix de cristal et aux chansonnettes ingénues. Après avoir engendré de francs succès, ce style adolescent a fini par devenir la propre prison de France.
Franchir le cap
« Babou », comme l’appellent tous ses amis, était condamnée à ne pas évoluer. Ses auteurs, conditionnés par le physique et la voix de leur interprète, ne parvenaient pas à lui donner la dimension d’une chanteuse au sens large du mot. France, mal dans sa peau et dans sa voix, vouée aux succès faciles ou à l’insuccès, n’arrivait pas à franchir le cap. Elle s’est alors accordé deux années de réflexion, à peine entrecoupées par un disque-accident aux textes signés RodaGil. Le renversement de vapeur était trop brutal et le public n’accrocha pas. Et puis, fin 1973, Babou a fait la connaissance d’un garçon qui avait un piano dans la tête : Michel Berger. Ce musicien de talent, à l’inspiration fertile et très caractéristique, allait être enthousiasmé par les merveilleuses possibilités de France Gall. Une chanteuse vierge de vraies chansons, voilà ce qu’il fallait à l’auteur de « Ecoute la musique ». Michel, amoureux de la femme avec un F majuscule, avait déjà entièrement modelé Véronique Sanson et remis sur les rails Françoise Hardy. France allait devenir sa grande passion … musicale. Rencontre fructueuse : France a commencé par donner la réplique à Michel dans « Mon fils rira du rock’n roll» (une des jolies chansons de son album intitulé « Chanson pour une fan»). Elle s’est aperçue que ce style collait bien à sa voix, que les musiciens de Michel l’enthousiasmaient, que la couleur, les vibratos et le son du piano représentaient cette « nouvelle dimension» à laquelle elle aspirait depuis des années.
La déclaration
Séduit par la sensibilité de Babou, Michel l’a fait travailler en « professionnelle » et devint ainsi son manager au sens le plus complet. Premier résultat tangible : l’enregistrement et le succès immédiat, cet été, d’un disque qui ne doit plus rien aux anciens critères du personnage France Gall. « La déclaration » nous révèle une France musicienne, fraîche et assurée à la fois, porteuse d’exigences vis-à-vis du public. Pour elle, le cycle de la facilité est révolu. Michel a imprimé sa griffe sur les partitions qui jonchent le sol de la chambre de Babou. Des chansons pour la rentrée.
Le pari de Michel
Auparavant, des télés, des répétitions, des opérations de promotion. Mais Michel ne veut pas que le personnage physique de France prenne le dessus sur la musique. Il veut que le public se mette à aimer France pour ses chansons et pas seulement pour un joli minois aux cheveux dorés. Il a promis de faire d’elle une grande chanteuse. Ce pari avait réussi avec Véronique Sanson qui, aujourd’hui, fait carrière en Amérique. Souhaitons que la réussite de France ne l’engage pas à élargir ses horizons ! En fait, il y a trop peu de chanteuses chez nous, pour que nous puissions nous réjouir de les voir partir. Surtout quand elles sont jolies. En tout cas, si vous aimez le nouveau style de France, « déclarez-le lui » en écrivant : France Gall, WEA, 70, Champs-Elysées, 75008-Paris.
Magazine : Salut les copains
Date : Août 1974
Numéro : 144