- « Show Biz » la revue qui monte !
- L’enfance, les sucettes et la poupée
- "Je suis adulte, je ne suis plus le bébé qui chante"
- L’arrêt
- La déclaration
- « Made in France » ou fière d’être son mari
- J’ai trente-deux ans, et je suis fière de les avoir
- Le duo inattendu
- Entracte
- Tout pour la musique
- Épilogue : en forme d’avenir
- Remerciements
« Show Biz » la revue qui monte !
Votre dossier du mois : FRANCE GALL ! Toujours un maximum de photos et une documentation des plus complètes. Vous saurez TOUT sur : les éléments importants de la vie de FRANCE GALL, sa discographie, sa carrière de A à Z.
Longtemps à cause d’elle, notre pays a été coupé en deux. D’un côté, tous ceux qui découvraient à la télévision les joies du rugby et pour qui, France Gall n’évoquait que le match vedette du Tournoi des Cinq Nations. De l’autre, les adolescents auditeurs fidèles de l’émission vedette d’Europe 1, « Salut les Copains ». Pour eux, France Gall c’était la chanteuse « qui monte ». La petite jeune fille blonde dont ils écoutaient tous les « tubes » à la radio et sur lesquels ils dansaient, le samedi soir, lors de leurs premières «boums». La guerre d’Algérie paraissait déjà très loin, ils découvraient le rock’n’roll ; Elvis, Johnny Hallyday, ils fumaient des cigarettes américaines et pensaient sagement à leur avenir …
L’enfance, les sucettes et la poupée
« Je suis née dans une famille d’artiste ». France Gall est la sœur cadette de deux frères jumeaux, Patrice et Philippe, d’un an plus âgés qu’elle.
Elle est vraiment née dans le sérail de la musique et de la chanson, comme vous allez pouvoir en juger. Son grand-père fut le co-fondateur avec l’abbé Maillet, de la célèbre chorale des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Sa mère jouait du violoncelle et son oncle de l’orgue. Mais, c’est surtout son père, le compositeur Robert Gall qui est la clef de voûte de sa carrière artistique. Il avait suivi des cours au Conservatoire, puis était devenu chanteur. Par la suite, il devint auteur de chansons. Et quel auteur ! Il écrivit notamment pour Edith Piaf et donna à Charles Aznavour l’immortelle chanson « La Mamma ».
Une famille heureuse, unie, sans problème particulier. France y coule une jeunesse heureuse, suivant son père dans les loges (déjà) des artistes célèbres lors des concerts parisiens de ces derniers. A par cela, elle va à l’école, apprend à jouer de la guitare, part en vacances normalement et adore ses deux frères … Une jeunesse tout à fait normale pour une petite fille.
En 1964, France a 15 ans. En classe, ça ne va pas trop bien, puisqu’elle doit redoubler sa troisième. Ça la rend un peu triste, car elle va quitter ses amies du lycée. Soudainement, son avenir va complètement basculer. Son père vient de composer deux chanson et « comme ça pour voir », il demande à France de les apprendre et de les lui chanter. Le résultat est concluant, Robert Gall demande à sa fille de les enregistrer, « toujours pour voir ».
Le 45 tours est donc enregistré. Entre temps, France est retournée au lycée. En Décembre 1964, le disque sort. C’est ainsi que les programmateurs de radios reçoivent la « galette » d’une jeune inconnue dénommée France Gall. Elle interprète : « Ne soit pas si bête ». Immédiatement, c’est le succès. Le titre est programmé sans arrêt et se trouve dans les hits parades. Simple jeu qui s’est transformé en une grande réussite. France enregistre un autre disque : « Sacré Charlemagne ». De nouveau, c’est le succès. Elle fait désormais partie des vedettes de la chanson. De cette époque où les débutants (ou presque) s’appelaient Sheila, Françoise Hardy, Sylvie Vartan, Adamo, Johnny Hallyday, Eddy Mitchell … C’était l’heureux temps du yéyé. France Gall est désormais l’invitée favorite des émissions de radio, de télévision, sa photographie s’étale dans les journaux de jeunes. Oublié le lycée, oubliées les copines du lycée, une autre vie commence. C’est les galas, les interviews, les photos … Mais le tout en famille. Patrice se souvient très bien de cette époque : « … On avait seize, dix-sept ans, on découvrait le rock, le yéyé, France commençait à chanter et on l’accompagnait en galas. Je me souviens en particulier d’une tournée au Canada. Je chantais en première partie de ma sœur. Philippe et un de nos cousins étaient musiciens. Notre cousine faisait office de secrétaire. C’était formidable, jamais nous n’avons autant ri. France, à cette époque, ne nous quittait jamais. Nous vivions ensemble, nous sortions ensemble, nous passions nos vacances ensemble, dans la maison familiale de Normandie. Nous avons toujours formé un clan très uni. Il en est encore de même aujourd’hui ».
En 1965, France est retenue pour présenter notre pays au Grand Prix de l’Eurovision. Compétition importante pour elle, s’il en est. A cette occasion, c’est Serge Gainsbourg qui lui écrit une chanson : « Poupée de cire, poupée de son ». Mais, à 16 ans, chanter devant plus de deux cent cinquante millions de téléspectateurs, cela n’a rien d’évident, surtout lorsqu’il s’agit d’un concours. D’autant que ses habituels compagnons, ses frères et sa famille, n’ont pu venir l’accompagner. Elle se retrouve seule ou presque, à Naples, où doit se dérouler le Grand Prix. Morte de peur, persuadée de n’avoir aucune chance, elle chante … et remporte la première place ! la voici consacrée. A Paris, sa famille fête comme il se doit l’évènement. Gagnante de l’Eurovision, elle est désormais une grande vedette en France, évidemment mais également à l’étranger. Les galas, les tournées, les photos, les interviews, France n’a plus une minute à elle. Serge Gainsbourg récidive et lui écrit un second texte : « Les sucettes à l’anis ».
« Serge Gainsbourg, avec « Poupée de cire, poupée de son », m’avait gâté … et en même temps collé une étiquette dont j’ai mis plus de dix ans pour me débarrasser. Et « Les sucettes » du même Gainsbourg et que je chantais en toute innocence, ont accentué mon côté « gnangnan ». Teinté cette fois, d’un brin de perversité … »
« Baby star », « bébé idole », c’est ainsi que la surnomme ses millions d’admirateurs. Les tubes suivent mais la petite fille commence à grandir, son physique immuable de petite blonde commence à lui peser, ainsi que la vie qu’elle mène : « … Et tout d’un coup, ne plus pouvoir mener la vie que tout le monde mène fut quelque chose dont j’ai souffert énormément. Ne pas pouvoir aller au cinéma normalement, ne pas pouvoir prendre de vacances, parce que je travaillais tout le temps … »
En effet, grâce ou à cause de ses succès, France Gall doit donner des récitals dans le monde entier. Italie, Allemagne, Angleterre, Japon, Espagne … Vous direz qu’elle a eu bien de la chance et qu’elle a ainsi pu voir des choses fantastiques. Absolument pas, car c’était des voyages de travail, donc elle n’avait pas le temps de faire du tourisme. Adulée, choyée, elle ne rêve cependant que d’une vie plus tranquille, exempte de tournées, de travail permanent : « Je supportais particulièrement mal les tournées. C’est dur de tenir la vedette quand on ne s’en sent pas capable. Quand il faut faire des centaines de kilomètres tous les jours, arriver dans un endroit inconnu où il fait froid, paraître fraîche et en pleine forme et chanter parfois les pieds dans la boue, comme cela m’est arrivé. Il faut vraiment avoir beaucoup de résistance pour tenir le coup. Et puis, j’avais l’impression de gâcher quelque chose de vraiment important : mon adolescence … ».
Les pays qu’elle traverse, elle ne les voit pas. Pas plus que les gens. Partout la même chose, une chambre d’hôtel, des interviews, une scène pour chanter … et c’est tout.
Qui plus est, France Gall a grandi, mûri et elle a envie de le dire.
“Je suis adulte, je ne suis plus le bébé qui chante”
Tout à coup, je n’avais plus dans la bouche les chansons que je devais interpréter, celles de mes débuts. Je ne les sentais plus. Je pense que j’avais toujours au fond de moi-même, refusé cette image de bonne petite fille blonde à la voix aiguë.
J’avais pourtant chanté tous ces textes sans ennui. Au contraire, cela m’amusait ainsi que la vie qui accompagne le succès. Mais j’ai vieilli et j’ai demandé de nouvelles chansons, avec les idées et les thèmes de mes vingt ans. Mais, on me proposait toujours la même chose. Gainsbourg comme Dassin. J’ai fait un disque sans y croire énormément et bien sûr, il n’a pas marché. J’ai alors essayé de m’écrire des textes. Mais ce n’est pas mon truc. Alors j’ai continué à chercher. Mais c’était dur, car j’étais classée dans une catégorie et ce que je ressentais profondément en moi, les autres ne le comprenaient pas du tout … Malgré cela, France Gall continue à chanter mais sans en éprouver de joie. Elle ne s’arrête pas pour différentes raisons. La première étant que lorsque l’on est une vedette, votre vie est programmée plusieurs mois, parfois plusieurs années à l’avance. Il y a des galas à honorer, des tournées à effectuer. Et puis la seconde raison c’est que : « Si j’ai continué ainsi, c’est parce que je ne savais pas que l’on pouvait vivre autrement. Je ne savais pas qu’il y avait une autre façon d’exister … » Si la vedette continue, la femme, elle, n’aime plus du tout ce qu’elle fait.
L’arrêt
En 1970, soit donc après 5 ans de carrière et cinq années de vedettariat, France Gall décide d’arrêter. Coup de tête ? Pas du tout, au contraire, ce n’est qu’après maintes réflexions qu’elle s’y résoud. Rien ne bouge.
On ne l’écoute pas, on lui propose toujours les mêmes textes, les mêmes images, tout ce dont elle ne veut justement plus. Alors, elle ne veut plus continuer. Cela n’arrive pas si souvent. Une chanteuse, pour qui tout, du moins en apparence, réussit et qui décide de· stopper sa carrière. Rare, très rare même. C’est tellement facile d’exploiter un filon qui rapporte. Elle est simplement honnête avec elle-même. Elle ne ressent plus du tout ce qu’elle chante, cela ne l’intéresse plus. Plutôt que de végéter ou de retourner en arrière, elle préfère arrêter de chanter et commencer à vivre.
Cette traversée du désert va durer plus de trois longues années. Elle part vivre à la campagne avec l’homme qu’elle aime, à l’époque le chanteur Julien Clerc. Lui, est en pleine gloire. Elle fait une dépression nerveuse. Ce n’est pas si facile que cela, lorsque l’on a toujours mené une carrière d’artiste de se retrouver muée en femme d’intérieur, à attendre le retour de « l’homme ».
« Je me suis rendue compte à ce moment-là que je ne pouvais pas mener une vie normale, que « j’étais née pour chanter ». Il faut avouer que lorsque l’on s’est retrouvé vedette à 15 ans, être une femme au foyer à 20 ans, ce n’est pas très évident. D’autant plus que toute sa famille continue, de près ou de loin, à travailler dans le monde artistique. Ses deux frères et huit de ses cousins y exercent une activité … Alors …
La déclaration
« J’en avais assez de sonner aux porte, mais je voulais faire un dernier essai. Appeler Michel Berger, que je ne connaissais absolument pas, mais dont j’aimais la musique et les mots. Je lui ai demandé de travailler pour moi, mais il a refusé. Oh, un « non » très gentil, motivé par la crainte d’un échec pour lui, pour moi ».
Michel Berger, à l’époque, était beaucoup plus connu pour ses textes que comme interprète. Il avait notamment travaillé pour Véronique Sanson, Françoise Hardy… Des références. Mais il ne se voyait pas écrivant pour France Gall.
Cependant, au bout, de plusieurs semaines d’insistance, il accepte. Michel décide d’essayer. Aujourd’hui, France juge ainsi les réticences qu’avait Michel de travailler pour elle : « Je considère comme une preuve d’amour avant la lettre qu’il n’ait pas voulu travailler avec moi. C’était facile pour lui d’écrire n’importe quoi, de prendre l’argent, au risque que je me plante… »
Cela bien sûr, ne s’est pas fait en un jour. Il a fallu des mois de travail pour que Michel arrive à écrire les textes qui conviendraient à France Gall. Des mois de recherches, de tâtonnements, d’échecs. Leur premier enfant, ce sera « Aime là ». Avec cette chanson, sortie en 1975, elle retrouve le chemin du succès. Michel Berger vient de redonner sa chance à France Gall. Dans un nouveau style, celui-là même qu’elle recherchait depuis longtemps et pour lequel elle n’avait pas hésité à arrêter sa carrière, faute de l’avoir trouvé. Elle peut désormais la reprendre.
Si travail en commun il y a et avec succès, comme on vient de le voir, il n’y a pas encore de vie commune. En 1976, France chante « La Déclaration ». Chanson d’amour … Dans le même temps, elle épouse Michel Berger, qui devenait de ce fait, son mari… et unique auteur-compositeur : « Depuis que je suis avec Michel, plus personne ne m’envoie de textes. On sait qu’avec Michel, j’ai tout ce qu’il me faut ». Mais pourquoi avoir attendu deux années pour se marier ? Ils se sont en effet connus en 1974 et le mariage n’eut lieu qu’en 1976 : « Lorsqu’on est une femme et qu’on rencontre Michel Berger, on ne peut pas ne pas tomber amoureuse de lui… Mais il était disponible, moi pas. Je suis fidèle. J’ai été élevée dans la notion que lorsqu’on s’engage, c’est pour longtemps, pour la vie si possible. Quand on aime, on se donne. Quand on s’est donnée, il faut apprendre à désaimer, si j’ose dire. Et comme Michel, autant que moi, voulait que les choses soient bien claires avant de commencer quoi que ce soit, il a fallu que je règle mon problème d’abord, avant de vivre ensemble. Mais rien ne pouvait nous en empêcher ».
« La Déclaration » s’envole vers les cimes des hits parades, monopolisant les ondes et les écrans de télévisions. Le message d’amour de Michel à sa jeune et récente épouse est une immense réussite. L’année d’après, il lui concoctera « Musique ». De nouveau, immense succès, hits parades, télévisions … Alors que quelques années plus tôt, France n’avait plus rien à chanter. Michel Berger serait-il le sauveur ? En quelque sorte, oui. Mais surtout, il la voit vivre tous les jours. Il sait qui elle est, comment elle est, ce qu’elle aime, ce qu’elle veut.
« Michel me fait chanter au naturel. Dans le ton et la façon qui sont les miens. La seule intervention qui me reste, c’est de le pousser à terminer quelques-unes des dizaines de chansons qu’il se propose de m’écrire. Vous ne saviez pas que Michel est très paresseux … » France Gall vient en quelques mots d’énoncer les raisons de son succès. Berger ne lui fait pas un répertoire autour d’un personnage. Il fait chanter à la femme qu’il connait des textes qui lui conviennent, à elle.
« Made in France » ou fière d’être son mari
France Gall est donc redevenue une vedette. Elle est en tête de tous les hits parades, elle est de toutes les émissions de télévision … Tout va très bien !
Et bien non. Michel et France sont de vrais artistes, c’est-à-dire que pour eux le disque ne suffit pas. Ils ont obtenus grâce à ces disques, la consécration populaire. Ils sont connus. Alors, il faut que France remonte sur scène, qu’elle montre au public qu’elle existe vraiment, qu’elle n”est pas seulement une « artiste de studio ».
En 1978, ils décident de prendre le risque de monter un spectacle. Risque, car France n’est pas remontée sur une scène parisienne depuis sept ans. Risque, car des tas de gens les attendent au tournant. Ils sont jeunes, heureux, ils ont du succès, tout leur sourit. C’en est trop pour beaucoup. Malgré cela, ils décident de le faire. Le lieu est décidé et retenu : ce sera le Théâtre des Champs-Élysées, avenue Montaigne, un endroit où les spectacles de variétés ne sont pas choses courantes.
« Michel voulait que je fasse une rentrée spectaculaire. Un show tout à fait différent de ce que je chantais, il y a 10 ans ».
C’est France, elle-même qui décidera de tout : « Michel composait la musique, moi je m’occupais de la mise en scène. J’ai alors eu l’idée de composer un spectacle entièrement féminin. Durant plusieurs semaines, j’ai pris des contacts aux quatre coins du monde, afin de dénicher des danseuses, des choristes, des musiciennes. Même les techniciens devaient être des femmes. C’était ma manière moi de rendre hommage aux femmes, de prouver qu’elles sont aussi capable d’organiser un grand spectacle ».
« Baby Doll » voulant se transformer en femme ! Gagné ! Michel Berger et France Gall ont, dès le soir de la première, gagné.
La presse unanime, ne fit que des éloges absolument enthousiastes. Définitivement enterrées « Les sucettes », « La poupée », désormais, c’est une artiste responsable et respectée qui s’exprime. Mais le plus grand compliment vient, comme d’habitude, de Michel Berger : s’il n’hésite pas à lui exprimer ses doutes lorsqu’il n’est pas sûr de quelque chose, il lui arrive également de s’enthousiasmer lorsqu’il est épaté : « Je suis très heureux, je sentais que France avait du talent. Mais, maintenant, j’en suis sûr ! Elle a mené son show de main de maître. Je suis très fier d’être son mari ».
Ils ont tout désormais. France vient de recevoir un triomphe au Théâtre des Champs-Élysées. Ils sont mariés et heureux. Maintenant qu’ils ont réussi, ils peuvent de nouveau penser à eux. Ils désiraient un enfant. France accouche le 14 Novembre 1978, à l’hôpital américain de Neuilly. Elle met au monde une petite fille qui s’appellera Pauline. Femme comblée, artiste comblée, la voici mère de famille. Un rôle nouveau pour elle, mais qui la remplit de joie.
Décidemment, tout lui réussit, depuis qu’elle a rencontré Michel Berger ! Depuis quelques années, Michel Berger avait envie de monter une comédie musicale. Cent fois, on lui avait dit que cela ne marcherait jamais dans notre pays. Peut-être justement parce qu’on n’arrêtait pas de lui dire que c’est impossible, il a décidé de relever le défi. Sa femme, bien sûr, est à ses côtés. Elle est tout à fait d’accord avec lui. Ça lui parait bien d’être entourée par d’autres artistes sur une scène. Michel a rencontré Luc Plamondon, le parolier habituel de Diane Dufresne et tous deux décident de relever le défi. Une année de travail sera nécessaire. L’écriture, d’abord et convaincre d’autres artistes de se jeter avec eux dans cette aventure complètement folle. Une fois trouvée, ils enregistrent un double album, simplement intitulé « Starmania ». Les stars y côtoient des débutants ou presque. Un excellent départ ! Le disque est bien accueilli. Radios, télévisions… Ventes importantes. Mais il reste à trouver les capitaux pour monter un pareil spectacle sur une scène. Bientôt, ce sera chose faite. Le lieu également est trouvé. Ce sera le Palais des Congrès, Porte Maillot à Paris.
« On nous avait dit que la comédie musicale ne marcherait jamais. Alors avec « Starmania » on avait envie de faire les malins. De prouver qu’avec un bon livret, de bons lyrics, de bons artistes, on pourrait déplacer des milliers de spectateurs. Avec Plamondon, on a travaillé dans ce but, durant plus d’une année ».
En 1979, début du spectacle. Celui-ci ne durera qu’un mois. Pourquoi si peu de temps ? Réponse : « On a fait une erreur terrible. Comme on ne savait pas trop tout de même si nous n’allions pas nous planter, on a retenu le « Palais des Congrès » pour un mois seulement. On s’est fait complètement descendre par la presse, mais le public était là. Il venait en masse. Alors, au bout du comptes, nous avons tous été horriblement malheureux car il fallait s’arrêter. En plus, le spectacle était si énorme qu’il était intournable. Ce qui fait qu’il y a eu frustration au niveau de la longévité du spectacle. C’était à la fois un peu triste et en même temps de voir que les gens nous avaient suivi, c’était un grand bonheur. Ils avaient aimé le spectacle. Nous avions malgré tout gagné notre pari ».
Pour mémoire, rappelons les artistes qui avaient suivi nos « fous » dans ce projet, pas si évident au départ :
- France Gall : Cristal, l’animatrice de télévision
- Daniel Balavoine : Johnny Rockfort Michel Berger : le grand guru
- Diane Dufresne ·: Stella Spotlight, la sex symbol
- Éric Estève : Ziggy, le disquaire mythomane
- René Joly : l’extra-terrestre
- Fabienne Thibault : Marie Jeanne, la serveuse automate.
- Nanette Workmann : Sadia, le cerveau des loubards.
J’ai trente-deux ans, et je suis fière de les avoir
Après « Starmania » on pourrait penser que France Gall et Michel Berger vont prendre un peu de repos. Il faut avouer que, depuis deux ans, ils ne s’arrêtent pas : le Théâtre des Champs-Élysées, un bébé, le disque et le spectacle « Starmania ».
Des mois de travail, de doutes, de répétitions, de promotion, d’interviews, de photos.
France n’est pourtant pas de ces artistes qui sortent disque tous les six mois, de peur de e faire oublier des médias. Au contraire, elle aime bien faire des breaks, prendre le temps de vivre, de s’occuper de son mari, de sa fille, d’elle-même. De plus, comme elle l’a souvent prouvé, elle n’aime pas faire les choses à moitié : « Dans le music-hall, aujourd’hui, il n’y a plus que la télévision, la radio. C’est injuste. J’ai quelque part l’impression que je dois un spectacle à ceux qui m’aiment. Et c’est ce qui fait que je leur en offre un tous les deux, trois, voire quatre ans. Ce que les gens ne savent pas, c’est que l’on investit tout l’argent que l’on gagne lorsqu’on fait un spectacle. Remarquez, c’est mon problème. Je préfère avoir un superbe show, plutôt qu’une Rolls ».
Ils sortent tous les deux en même temps un album. C’est la première fois qu’ils osent le faire. Leur carrière en est arrivée au point où ils peuvent se permettre d’être en « compétition ». Tous les deux sont reconnus comme des artistes à part entière, distinctement l’un de l’autre. Et c’est ainsi qu’ils se retrouvent tous les deux aux sommets des hit-parades, avec chacun une histoire de piano : d’une groupie et d’un type qui joue debout.
« Il ne s’agit pas d’Elton John contrairement à une rumeur tenace. L’expression « Jouer du piano debout » c’était pour Michel une façon originale de parler de quelqu’un qui ne fait pas les choses comme tout le monde ».
Durant six mois, les deux titres, celui de Michel, « La groupie du pianiste » et celui de France « Il jouait du piano debout » seront, suivant les jours, chacun leur tour en tête des hit-parades.
C’était merveilleux.
Le duo inattendu
Il était une fois … Ainsi débute tous les contes de fées.
Ainsi débute également l’histoire que je vais vous conter maintenant : une rock star, hyper célèbre, était en vacances dans notre beau pays, à Saint Tropez, très exactement. Et que fait une rock star en vacances ? Elle se baigne, évidemment, mais elle écoute également la radio. Et qu’est ce qui est en tête des hits parades cet été 1980 ? « Il jouait du piano debout » et « La groupie du pianiste », bien sûr ; Or, ces deux chansons enthousiasment absolument la rock-star en question. Au point de vouloir connaître et travailler avec les personnes responsables de ces chansons. Qui est donc cette rock-star ? Vous avez bien sûr deviné depuis longtemps. Il s’agit d’Elton John ! Un matin de Juillet 1980, Michel Berger reçoit un coup de téléphone. Un parmi tant d’autres. Celui-là sera tout de même un peu spécial. La voix lui annonce en ·effet que Elton John s’intéresse à eux. Il tient même à travailler avec Michel et France. Croyant à un canular, Michel et France n’osent y croire. Le soir même, pourtant ils se décident à téléphoner. Qui n’ose rien n’a rien. Et puis, ils ne risquent rien à essayer. Surprise, ils tombent tout de suite sur Elton, qui leur dit dans un français à peu près parfait : « Venez, il faut absolument que nous travaillions ensemble ! » Sans perdre de temps, ils décident d’aller le rejoindre à Saint Tropez. Départ le lendemain matin. Mais ils n’arriveront pas sans rien. Michel, prévoyant, à composer une musique dans la nuit. Cela permettra ainsi, pense-t-il de ne pas sombrer dans les conversations sur la pluie et le beau temps.
Mais laissons plutôt la parole à France Gall et Michel Berger pour nous raconter cette merveilleuse histoire : « Nous sommes arrivés chez lui, à Saint Tropez. Il était au bord de sa piscine, avec des amis, vraiment en vacances ! Mais Michel n’a pas hésité à le brusquer. Parce qu’il était important qu’il connaisse ses intentions. Sans prendre le temps de voir nos chambres, sans retirer nos vestes, Michel lui a demandé où se trouvait le piano. Elton l’a pris par le bras et l’a conduit devant un tout petit piano électrique qu’il promène partout avec lui. Michel lui a joué un morceau et tout de suite, Elton a trouvé cela intéressant. Ensuite, il nous a fait entendre les bandes de son nouvel album et nous a annoncé qu’il considérait comme primordial le fait de chanter en français. Il a également confirmé qu’il voulait travailler les paroles et les musiques avec Michel et enregistrer un duo avec moi. Nous sommes restés deux jours chez lui et ce furent deux journées de travail. Entrecoupées d’un intermède culinaire chez Eddie Barclay, qui avait organisé un grand déjeuner en l’honneur d’Elton. Également, des ballades en voitures et des achats énormes de cassettes. Il n’arrête pas d’acheter des cassettes. De tout, du rock, de la disco, de la variété. Il écoute tout et dans chaque morceau définit ce qu’il aime.
Il connait également un nombre incalculable de jeunes chanteurs français, dont ni Michel ni moi n’avions jamais entendu parler. Bref, on s’est bien entendu avec lui et on a décidé de travailler ensemble. Michel, cependant a dû le dissuader d’enregistrer un album, dans la mesure où son emploi du temps ne pouvait nous permettre de le faire bien. Mais nous nous sommes mis d’accord pour enregistrer un 45 tours et sur une semaine de travail, au mois d’août, afin de le réaliser.
En Août, nous sommes donc partis pour la Californie, rejoindre Elton John. Et là, nous avons immédiatement été frappé par une chose, nous avions quitté un « copain ». Nous avons retrouvé une star mondiale qui travaillait à la préparation d’une tournée et d’une rentrée sur scène, après deux années d’absence. Il était entouré d’un état-major, composé d’un nombre de gens particulièrement impressionnant. Chargés, surtout de le protéger à l’extérieur, ce qui peut se comprendre après ce qui est arrivé à John Lennon.
Il répétait dans un grand hangar, avec ses musiciens. Et si nous étions invités à assister aux répétitions, ce qui est déjà assez extraordinaire, nous ne semblions plus du tout exister pour lui. Nous ne reprenions vie que le soir, chez lui, pour travailler les chansons. Et là aussi, c’était particulièrement impressionnant …
Sur un titre qu’avait composé Michel, il fallait des paroles en anglais. Elton a immédiatement téléphoné à Bernie Taupin, son parolier habituel et les paroles étaient prêtes le lendemain.
Même chose pour les arrangements : coup de téléphone à Marty Paige, l’arrangeur, entre autres, de Sinatra et peut-être l’arrangeur le plus demandé des États-Unis. Le lendemain, Marty était là, pour travailler ! Avec Elton tout va très vite et juste. Mais c’est parce que ce personnage fascine tout le monde, de par son talent et sa personnalité qu’ils sont prêts à tout lâcher pour lui ». Dès sa sortie, le 45 tours, se trouve placé dans tous les hits parades. « Donner pour donner » sera un immense succès.
Elton John lui-même, dans plusieurs interviews avouera la joie et le plaisir qu’il a eu de travailler avec France et Michel : « J’étais en vacances à Saint Tropez et j’ai entendu « Il jouait du piano debout » J’ai aussitôt acheté le disque et un ami m’a fait parvenir tous ses autres albums. Je me suis alors dit que ce serait une bonne idée d’enregistrer avec France. J’aime beaucoup les chanteuses ! (Et j’adore enregistrer des duos avec elles). Je suis très content des deux titres en français. J’ai eu un peu de mal pour prononcer les mots, mais ce n’est que la première fois, la prochaine, ça ira mieux. J’ai un problème, car beaucoup de mes amis français qui travaillent dans la musique me parlent en anglais. C’est un grand succès pour moi, d’avoir réussi à faire un disque et je peux vous dire que j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec France Gall et Michel Berger.
Après la sortie du disque et vu l’immense succès de ce dernier, des calomnies virent le jour. L’on dit qu’Elton John n’aurait pas été content du tout du résultat, et qu’il aurait demandé à ce que les disques pressés soient retirés du commerce et détruits. En réalité, il n’en est rien, au contraire. Les trois protagonistes de cette « belle histoire » se sont vu mettre un disque d’or, symbole de leur réussite commune.
Voilà qui fit taire les grincheux.
Entracte
Avant la sortie et le succès de son duo avec Elton John et avant même que le projet ne vint à leurs oreilles, France était devenue maman pour la seconde fois.
En juin 1981, elle avait donné naissance à un petit garçon qui se prénomme Raphael. Avec lui, la famille Gall/Berger s’agrandie.
Pauline a désormais un petit frère, pour sa plus grande joie bien sûr.
Mais avec le succès de « Donner pour donner », l’on pourrait croire que France va tenter une carrière plus internationale que celle dont elle bénéficie.
Il n’en est rien. Elle a décidé, avant toute chose, de réussir sa carrière Française et elle ne veut surtout pas s’éparpiller.
Mais également elle veut préserver sa vie familiale. Ses deux enfants sont avec Michel le centre de son existence. Pour eux, elle a renoncé sans trop de regrets d’ailleurs, à la vie des tournées, de galas. Elle adore s’occuper de sa nouvelle maison de Bougival, y recréer une atmosphère agréable : « Quand j’ai connu Michel, il y avait en tout et pour tout chez lui, un tube de lait contré dans le réfrigérateur ». Moi j’ai les placards remplis de bouquets de fleurs séchées. J’appelle des amis pour faire des fêtes, j’explose. J’aime le confort, la maison, la chaleur. J’ai été élevée dans une sorte de roulotte. C’est une ambiance que j’aime recréer. Michel aime la vie, mais il pourrait se laisser aller à quelque chose de plus solitaire. Nous sommes en unisson : moi je chante et c’est tout. Lui, il sait et pourrait faire tant d’autres choses. Je m’arrêterais sans doute le jour où je trouverai décent de le faire.
Je crois en effet que je représente quelqu’un de jeune. Je ne veux pas arriver à ce stade où l’on dit d’une femme « elle devrait s’arrêter ». Alors, je ferai autre chose. Un journal, une école de danse, une école de musique, quelque chose avec l’UNICEF, pourquoi pas ? Quelque chose qui perpétue ce contact privilégié avec les gens que j’ai appris avec la scène, privilège irremplaçable. »
Tout pour la musique
Un nouvel album, intitulé « Tout pour la musique », sort fin 1981. Après quatorze ans de carrière, France Gall apparaît comme une femme épanouie, radieuse, heureuse de ses succès. Vie familiale plus qu’heureuse, vie professionnelle plus que réussie ! Chacun de ses disques, en effet, est certifié « disque d’or ».
« Tout pour la musique » est bien sûr, de Michel Berger ! Même passion, même vocabulaire, même sensibilité, voilà sans doute ce qui a fait leur succès. L’on pourrait ajouter qu’ils ont à peu près le même public : « Ceux qui achètent mes disques ont entre 15 et 35 ans. Je crois les connaître, car je m’astreins à ouvrir tout le courrier que je reçois. S’ils aiment mes chansons, c’est parce qu’elles accrochent ». Lorsque j’ai fait « Il jouait du piano debout » tant de gens se sont reconnus dans ce thème, celui du droit à la différence. Celui de l’amour du rythme, aussi. Les lettres que je lis expriment une recherche d’amour, un mal dans la peau, tout est bouché. La solitude, le refus de la haine. Or, si vous écoutez les dernières chansons, vous verrez qu’elles correspondent à cela. C’est Michel, bien sûr qui a écrit les textes, mais si j’avais ce pouvoir d’écrire qu’il possède, je n’aurais pas écrit autre chose ».
De « Diego libre dans sa tête » superbe poème sur un prisonnier politique dans un pays où les oiseaux s’envolent par milliers, jusqu’à « Amor tambien », rythmes contagieux qui dit : « Tout le monde a de la peine, tout le monde aime … » en passant par « Résiste » ou quelques mots Berger/Gall crient : « Prouve que tu existes, bats-toi, signe et persiste, résiste », tout un univers s’exprime. Celui d’un couple dont France Gall avoue elle-même qu’il était inévitable.
Tout se passe comme d’habitude. « Tout pour la musique » marche très fort.
Mais à tout cela, France est habituée. Le succès, maintenant, elle y est habituée. Alors, il lui faut autre chose : une fois de plus étonner, éblouir son public. Il y a deux ans, elle a réservé le « Palais des Sports » pour y chanter en Janvier 1982. Les réservations, en effet, se font très longtemps à l’avance. C’est bien, et en même temps, c’est un risque. Sera-t-on encore ravi de faire un spectacle, deux ans après avoir réservé la salle ? Dans le cas précis de France, il n’y a pas de problème, elle en a toujours envie, c’est le moins que l’on puisse dire ! Malgré tout, chanter dans ce lieu, ce n’est pas facile : la salle est immense, 4 500 places à remplir tous les soirs et l’on est plutôt habituer à y applaudir des « bêtes de scène » ; Hallyday, Lavilliers, les chanteurs et groupes américains … Les méchantes langues, bien sûr, se font un plaisir de le lui faire remarquer. Il est vrai, également, que France n’est pas remontée sur une scène parisienne depuis quatre ans et dans une petite salle, si l’on excepte sa participation à « Starmania ».
Alors, France décide de se jeter à l’eau, de séduire, d’enthousiasmer son public. Les critiques, au lieu de la décourager, la stimuleraient plutôt.
Ce spectacle, elle s’en occupe, comme d’habitude, du début jusqu’à la fin. Sur scène, elle veut être entourée de onze musiciens, dont sept pour la partie rythmique, par trois choristes danseuses. Elle a également choisi des costumes spécialement dessinés par Philippe Forestier. La chorégraphie sera assurée par Pierre Fuger, l’ancien maître à danser du « Big Bazar » de Michel Fugain. La mise en scène sera signée par Robert Fortune, « La Révolution française, Mayflower » avec grands renforts de faisceaux lumineux destinés à mettre en valeur les tonalités blanches et noires du décor. Des meubles dont les couleurs font références à celles des notes d’une partition.
France a prévu grand, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais il est nécessaire de répéter, car un pareil spectacle, cela ne s’improvise pas. Comme le « Palais » à cette époque de l’année est occupé par Sylvie Vartan qui y présente son tour de chant, France part désespérément à la recherche d’une grande salle en France. Il n’y en a pas de libre. C’est pourquoi toute l’équipe prend l’avion, direction l’Angleterre.
C’est à Chappelton, à quelques kilomètres de Londres, que vont donc se passer les répétitions. Ce serait un petit village comme il en existe dans la banlieue londonienne, s’il n’était le Hollywood anglais. Dans d’immenses hangars, encore encombrés par les décors du dernier James Bond, France Gall a enfin trouvé son bonheur.
Plus de trente personnes travaillent d’arrache-pied avec elle, afin qu’elle remporte la partie. Silhouette menue dans son pantalon de cuir et son sweet-shirt bleu nuit, elle bondit sur la scène, secouant ses longs cheveux blonds, dansant, jouant du saxophone …
« J’ai passé un nouvel an anglais et sans enfants. Mais, il le fallait. Le public a droit à un spectacle de qualité et qui soit fin prêt. J’ai horreur de ces premières qui sont en fait des répétitions ultimes. Le spectacle, ce doit être une récréation. Si les gens viennent me voir, il faut qu’ils soient heureux ».
Mais, à part tout ce travail, que se passe-t-il dans la tête- de France Gall ? Dans une grande interview, elle expliquait à la fois son album et ce que serait son spectacle : « Tout pour la musique » c’est une chanson qui a été faite pour les musiciens. D’ailleurs, lorsqu’on regarde en arrière, il y a eu « Musique » et « Il jouait du piano debout ». C’étaient également des chansons basées sur la musique. C’est comme cela que nous avons décidé d’appeler le spectacle « Tout pour la musique ». Je pense que les gens qui viennent me voir sur scène attendent un spectacle musical. Les autres chansons de l’album, « Les accidents de d’amour », c’est une constatation des amours qui se cassent. « La fille de Shannon » a été écrite au retour d’un voyage en Irlande. « Résiste », c’est un conseil que je donne. « Amor Tambien » c’est pour danser et chanter le public. « Diego libre dans sa tête », c’est une commande de ma part. J’avais envie d’une chanson un peu politique, engagée, où je pourrai dire des choses différentes. Mes deux préférées sont : « Tout pour la musique » et « Résiste ».
Quant à ce spectacle, c’est certainement l’un des moments les plus importants de ma carrière. C’est un peu la consécration de tout ce qui s’est passé depuis quelques années.
Il sera en deux parties. La première plus douce, composée de chansons tendres.
La seconde, plus agressive, avec les danseurs. Ils sont merveilleux et ils ne vont pas vraiment danser, mais plutôt bouger sur la musique. En tout, un spectacle vraiment différent. Ce sera un show très rock, mais rien à la Broadway, mais chaque chanson aura une ambiance bien précise. Les jeux de lumière sont réglés par l’éclairagiste d’Elton ».
Quant à sa vie de famille, pendant ces moments d’intense travail, elle doit, non pas y renoncer, mais la faire passer un peu au second plan.
« Personne ne peut se rendre compte, à part ceux qui le font, de ce que cela représente comme travail. Même pas mon producteur ! Il y a des moments très durs. Il y a toute la promotion de mon spectacle, la production, les cours de danse, de chant, de sax … Malgré tout, en fin de compte je suis très sécurisée. Mais c’est un minimum de dix-sept heures de travail par jour. Pour ma vie de famille, en ce moment, j’ai fait un choix, c’est le métier qui doit passer avant. Mais j’essaye malgré tout de prendre un maximum de rendez-vous à la maison, afin que les enfants sentent ma présence. Je suis heureuse, très heureuse, c’est cela qui est très important ».
A-t-elle peur en songeant au jour de la première ?
« Avec tout le travail que j’ai, je ne peux pas trop y penser. Heureusement, parce que quand je réfléchis à ce qui m’attends, alors là … »
Tout de même, malgré son angoisse, elle est particulièrement ravie de « faire » le « Palais des Sports » :
« Il paraît que quand on « fait » cette salle, on ne peut plus chanter autre part. Tellement c’est fantastique ! Alors, moi, je veux goûter à ces grandes sensations. C’est mon métier. En fait, j’ai une envie monstrueuse de le faire. Et je serai très fière d’avoir fait venir les gens pendant un mois pour écouter ma musique. Ce spectacle, finalement, je ne le fais pas pour moi. Je le fais pour mon public, pour le remercier du succès qu’il m’a donné. Tout ce que j’ai gagné, je le mets dans le spectacle. Cela n’est pas grave, car cela m’apporte tellement plus en retour. Et c’est le pendant normal des choses. L’argent qu’on gagne avec les disques, on l’offre en retour à son public ».
« Notre succès apportera la preuve que la chanson est importante. Aujourd’hui, ce n’est plus simplement de la distraction. C’est vraiment un moyen d’expression moderne, capital. Ça n’est absolument pas dérisoire, parce que ça touche trop de gens pour l’être ».
Bien qu’elle soit, comme elle le reconnaît elle-même, un peu anxieuse avant son spectacle, France respire le bonheur, une douce quiétude, rare dans le monde du show-business, plutôt angoissée et mal dans sa peau d’habitude.
Que lui apporte Michel Berger durant ces moments, malgré tout souvent difficiles, car très durs à supporter :
« Michel sait ce dont j’ai envie, alors je me décharge beaucoup sur lui. Par exemple, il y a des rendez-vous où je ne peux aller et où il se rend. Il m’aide et m’apporte beaucoup ».
Michel répond lui-même sur l’aide qu’il peut apporter à sa femme : « Je crois quand même que je suis une aide parce que j’ai une conception assez précise de la façon de faire ce métier. Et elle aussi, a des conceptions très précises de ce qu’elle doit faire. Alors, je l’aide en lui composant des chansons et dans le fait de concevoir esthétiquement le spectacle … Et puis, il y a le moment où l’on se retrouve tout seul sur scène. Et là, plus personne ne peut rien pour vous. Les gens qui disent : « Il y a Michel Berger derrière », je trouve cela une bêtise … excusable, parce qu’ils ne sont jamais montés sur une scène et ne savent donc pas ce que c’est. Il n’y a personne derrière quand on chante, au contraire, il y a les gens devant. Je crois que le succès ou l’échec sont sur les épaules de celui qui est sur la scène. Alors forcément, c’est bien d’avoir un dialogue. Elle a la même équipe de musiciens que moi, alors forcément, au niveau de la musique, je peux l’aider. Et aussi, comment se montrer, quel est le look qui convient à notre époque. Là, je sers un peu à quelque chose. Mais, pour le reste … J’ai forcément le trac au début, quand ce n’est pas moi qui suis sur scène, d’ailleurs, beaucoup plus que lorsque c’est moi. Mais en même temps, j’ai totalement confiance en elle, parce qu’elle est née pour ce métier ».
Voilà, tout est dit, le spectacle peut commencer.
A priori, rien ne devrait être favorable au succès. La fatigue des fêtes, le sol glissant, le ciel maussade, un temps à ne pas mettre un chien dehors. Et pourtant, dès le premier soir, France a gagné la partie. Le « Palais des Sports » est plein. Des familles entières, des jeunes, des moins jeunes … Ils sont tous là, pour l’écouter, la regarder …
A 21 heures précise, les lumières s’éteignent, le rideau s’ouvre, laissant apparaître les musiciens. Ovation du public. Assise devant la batterie, France débute par « Musique ». Pantalon blanc, tee-shirt blanc décoré sur le côté par des damiers noirs. Une tenue résolument moderne, mais sobre. Musiciens formidables qui méritent tous d’être cités ici : Top, Engel, Bresli, guitares. Rodi, Bernholc, Bikiao, claviers. Salmieri, Batailley, percussions. Bourgoin, Glausserand, Weib, cuivres.
France Gall sur scène, c’est l’antistar, l’anti-vamp, l’anti-petite fille, elle est elle ! Et c’est ainsi que l’aime le public. La presse en général, fit un triomphe à sa prestation : « … Ce n’est pas un récital, mais un « musical » richissime quant à l’orchestration et généreux quant à l’improvisation. On y chante non seulement, l’amour égoïste à deux, mais l’amour du prochain, l’amour de la vie.
De « Au secours, j’ai besoin d’amour » à « Amor Tambien », c’est le même déferlement sentimental qui rend les gens heureux. « Résiste » est la petite dernière venant en force et en kaléidoscope : on peut la prendre comme l’on veut, de quelque bord que l’on soit.
Cette chaleur humaine passant dans les mots et les notes, France Gall les transmet avec simplicité, je dirai modes tie. Elle se fond totalement dans son groupe, fait corps avec ses musiciens. Sa voix se fait instrument auquel répond un déchirant trombone ou un saxo-pas-Une critique ne pourrait être plus enthousiaste ! Durant un mois, les spectateurs viendront en masse prendre une bouffée de plaisir. Avec quelque fois, une surprise : tel, ce jour où Elton John vint la rejoindre sur scène et chanta quelques chansons avec elle !
Après ce spectacle, plus aucun doute n’était possible : France Gall a convaincu tout le monde. Elle est désormais l’une des très grandes de la chanson française. Pas seulement quelqu’un qui aligne des « tubes », non, mais une artiste complète qui aime la scène et s’y sent bien. Elle dégage un grand amour. Elle n’est certainement pas, comme le prétendent encore certains, une marionnette commandée par un génie. Elle est tout simplement l’une des chanteuses françaises les plus appréciés par le public.
Épilogue : en forme d’avenir
Maintenant que France en avait fini avec le « Palais des Sports », il lui fallait entamer la grande tournée à travers la France et l’étranger qui avait été décidée, Lille, Genève, Nice, Bruxelles …
« Je vais chanter au Forest National. 7000 places ! Il y a sept ans, j’y ai applaudi les Rolling Stones. Cette fois, c’est moi qui serait sur scène … Formidable, non ? … »
Partout, elle va rencontrer le même succès, la même joie de voir ces milliers de gens venus l’applaudir, bisser, « trisser », son spectacle et ne repartir que lorsque les lumières se sont rallumées depuis longtemps …
A la fin de cette tournée, retour à Paris. L’année 1982 a très bien débuté pour elle ! Elle vient de gagner ses « galons » de vedette de la scène française. Maintenant qu’elle en a terminé avec son épuisant marathon, il est temps qu’elle se repose et retrouve sa vie de famille. Finies les photos, finies les interviews, elle peut enfin penser à elle et retrouver ses deux enfants qu’elle avait dû un peu abandonner pendant quelques mois. Toute la famille part aux sports d’hiver. Malheureusement, ils ne peuvent pas y rester très longtemps, car Michel a lui aussi de très nombreux engagements. Les rôles sont renversés, c’est maintenant à France de soutenir et d’aider. Tournée en France, Olympia de Paris … Triomphe !
France et Michel font encore quelques télévisions et toute la famille part en voyage. Direction, la Chine.
Leur rêve : « S’arrêter pendant 1 an et ne plus rien faire. Ça fait partie de nos objectifs : avoir la volonté que l’on doit avoir. C’est se montrer autoritairement en retrait. Ne plus parler à personne et rester dans son coin. Nous espérons que nous allons pouvoir le faire ».
Remerciements
Je tiens à remercier le Service de Presse des disques WEA Filipacchi qui m’a donné accès à ses archives. La plupart des propos tenus par France Gal ont été extraits d’interviews qu’elle a donné à différents journalistes. Merci donc, entre autres à : « Salut », « Paris Match », « France soir Magazine », « Le Matin Magazine », « Bonne Soirée », « OK Magazine ».
Merci également à Gilles Paquet pour m’avoir fourni les photos nécessaires à illustrer cet article.
Rédaction : Gérard LASNIER
Magazine : Show Biz
Par Gérard Lasnier
1982
Numéro : 2