À la recherche du dépaysement, France Gall, Michel Berger et un couple d’amis se sont envolés pour la Chine, un voyage au bout du monde mais également un vieux rêve qui se réalisait pour France.
De retour de ce périple de trois semaines, France a bien voulu recevoir Salut ! dans sa propriété de la banlieue parisienne.
« Pendant trois ans, j’ai eu le sentiment de ne pas m’arrêter une seconde. Ce voyage en Chine, j’en avais envie depuis longtemps si bien que j’avais décidé d’apprendre le chinois mais vu la difficulté, j’y ai renoncé.
Cette année, j’avais un énorme besoin de dépaysement alors, avec la Chine, on ne pouvait pas mieux trouver. Donc, après un long voyage de dix-huit heures, nous sommes arrivés à Bangkok. De là, nous avons été à Hong-Kong. Arrivés dans cette ville, il nous a fallu attendre cinq jours pour obtenir le visa pour la Chine populaire. Nous avons été parfaitement pris en main par l’attaché de presse de l’ambassade qui nous a guidés à travers Pékin pour ne pas faire uniquement le circuit touristique des monuments et des usines. Ce que je voulais voir, c’était les gens de la rue, les voir vivre car les guides habituels vous montrent ce qu’on leur dit de vous montrer. A l’ambassade, on nous a organisé un dîner avec les plus grands chanteurs et chanteuses chinois, des gens totalement différents de nous. Une chanteuse là-bas est salariée, et elle se produit où on lui dit. Elle interprète des chansons folkloriques. La révolution culturelle a tout fait régresser : la chanson, la peinture, le cinéma. C’est incroyable ils ne connaissent ni Elvis, ni les Beatles. J’avais emmené une cassette vidéo de l’un de mes shows télévisés, ils regardaient ça de façon très étrange. Dans les rues, les gens sourient tout le temps, ils ne semblent pas malheureux alors qu’ils doivent manquer de beaucoup de choses mais ils sont très optimistes, très attachants, ouverts. C’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas moyen de parler avec eux autrement qu’avec les mains.
Le problème des enfants, en Chine, est très important. Il est interdit d’avoir plus d’un enfant. Alors, l’enfant est cajolé, c’est un Dieu. J’avais très souvent envie de photographier les gosses, ils ont des visages très tendres.
Dans les rues, il y a des milliers de personnes, de nombreux vélos, seuls moyens de locomotion en dehors du bus. Pour avoir un vélo, il faut attendre neuf mois. Les délais sont très longs.
Il n’y a pas beaucoup de distraction la nuit à Pékin. Hong-Kong, c’est différent. C’est incroyable comme endroit. Je n’ai pas du tout aimé. C’est inhumain, c’est la ville la plus chère du monde où la misère côtoie la richesse. La nuit, c’est un peu New York. Dans les quatre villes que nous avons faites, c’est Pékin que j’ai préférée. Je serais bien restée trois semaines à Pékin. Les petites rues de cette ville que l’on a le droit de visiter depuis seulement un an ou deux sont fantastiques. Il y a des monuments très impressionnants comme le mausolée de Mao. Je l’ai vu embaumé, ça fait quelque chose, je vous assure. Pour y accéder, il y a toute une préparation. Ce n’est jamais à la même heure, on ne sait jamais combien de temps va durer la visite. Il est interdit de faire des photos de Mao.
J’ai bien aimé la cité interdite, la ville où les Empereurs vivaient. En revanche, j’ai eu deux grosses déceptions : la Grande Muraille que j’ai trouvé trop touristique, genre Mont Saint-Michel et la nourriture qui n’est pas du tout celle des restaurants chinois que l’on connaît en France. C’est une cuisine très grasse, on ne sait jamais très bien ce que l’on mange. Heureusement, nous avions emmené du café et des biscottes. Côté hébergement, les hôtels pour touristes sont différents de ceux réservés aux Chinois, on n’est absolument pas mélangé. Nos hôtels ressemblaient aux motels que l’on trouve aux Etats-Unis. Ils étaient climatisés, ce qui était bien agréable, la température étant très chaude, moite, il faisait entre 28 et 36°.
De ce voyage, j’ai ramené de nombreux souvenirs surtout des lunettes style années 50, des tas de gadgets de cette époque car ils sont à fond dans les années 50. Par exemple, les Chinois vendent actuellement des maillots super rétro. Pour eux, la mode n’existe pas vraiment, ils sont pratiquement tous habillés de la même façon.
J’aurais bien aimé chanter en Chine mais c’est beaucoup plus compliqué que je pensais. Il aurait fallu que j’envoie des cassettes de ce que je désirais montrer aux Chinois et également tout un questionnaire auquel j’aurais dû répondre, un questionnaire sur ce que je représente en France, quelle influence j’ai sur les jeunes de mon pays, enfin, rien de très simple. En Chine, on ne chante pas comme ça ! Je suis vraiment prête à retourner dans ce pays car c’est un dépaysement total. Ces trois semaines furent courtes et longues à la fois car j’ai beaucoup souffert de la séparation de mes enfants. Jamais plus je ne repartirai aussi longtemps sans eux. »
Pour France Gall, l’actualité, c’est justement la rentrée des classes de sa petite fille; le film que la télé a réalisé sur son spectacle du Palais des Sports, film sur lequel France doit travailler avant sa diffusion. Dans quelques jours, France rentrera en studio pour le mixage du double album de son dernier spectacle. Un disque qui risque de nous réserver d’excellentes surprises et nous rappeler un fort beau spectacle. France Gall a redémarré sa vie professionnelle sur les chapeaux de roues avec malgré tout dans la tête des souvenirs de Chine, des souvenirs qui seront peut-être dans quelques mois des chansons signées Michel Berger.
Magazine : Salut !
Propos recueillis par Daniel Moyne
Du 29 septembre au 12 octobre 1982
Numéro 183