Mardi 11 septembre 1984 : à partir de ce soir, la chanteuse de « Débranche » s’installe pour un mois au Zénith.
Jour « J » pour France Gall. Pas question d’entrevoir le bout de son museau rose.
Elle ne sera là pour personne avant ce soir, avant que l’immense salle du Zenith vibre de cette frénésie qui l’habite déjà depuis des semaines et qu’elle va décharger devant 6.000 personnes dès l’ancre du grand vaisseau levée au rythme des guitares, des flashes et d’une musique qui balance fort, comme tout ce que compose Michel Berger, son mari, le compositeur de ses chansons et son fan numéro un.
Hier encore la petite Gall venait de boucler une matinée marathon avec une émission de radio de trois heures avant d’attaquer un après-midi haute tension de répétition qui allait l’amener jusqu’à minuit et demi.
« Je bagarre »
14 heures. Pardessus noir sur les épaules, écharpe et tennis rouges, France Gall surgit tel un elfe, monte quatre à quatre l’escalier de sa loge en duplex, extirpe consciencieusement de son sac un sachet de plastique contenant deux pommes et deux bananes – son déjeuner -, et, d’un geste solennel fait admirer son pied-à-terre pour un mois : « Entièrement décoré France Gall ! » précise-t-elle fièrement. Pour ne pas être dépaysée j’ai amené de chez moi les tapis, les fauteuils, la plante verte et l’inévitable affiche de Mistinguett porte-bonheur.
Puis, telle une petite fille imitant sa maman – sous les spots on jurerait qu’elle va encore chanter « Bébé requin » – elle s’assied face au miroir : « Bon ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir mettre aujourd’hui, chantonne-t-elle ingénument. Tiens, pourquoi pas du violet ? … »
Son maquillage de scène, c’est elle qui en décide aux caprices de l’humeur.
France rit, se poudre le nez et commente, pince-sans-rire : « Heureusement que j’ai autour de moi des gens qui me connaissent. Le plus difficile c’est de préserver mon identité. Chacun me perçoit à sa manière et il faut toujours que je bagarre pour n’en faire qu’à ma tête.
« L’autre jour, je suis allée poser pour un magazine de mode. Quand j’ai vu ce qu’on voulait me faire enfiler, je suis tombée à la renverse. Des robes pailletées roses et noires, moi qui n’aime que les pantalons et les casquettes. C’est comme la danse dans mon spectacle. Personne ne voulait comprendre qu’il ne s’agissait pas de monter de vrais numéros classiques mais d’accompagner la musique avec des clins d’œil et du rythme. Résultat : en un mois j’ai changé quatre fois de chorégraphe : ce spectacle, c’est mon spectacle. »
Quand elle dit qu’elle aime les choses qui bougent, la petite Gall, elle ne badine pas ! C’est comme lorsqu’elle chante « Débranche » (sous-entendu les machines qu’elle déteste) : ce n’est pas une plaisanterie.
Infatigable, elle croque vaillamment dans une pomme et réembraie aussi sec : « Quand je pense que j’ai raté le poisson en papillote d’Annie. Annie, c’est ma cuisinière, I ‘ex-cuisinière de Coluche. Autant dire une championne. Mais elle est végétarienne car elle peut prendre un kilo rien qu’en regardant un carré de chocolat. Alors, pour compenser, elle cuisine sur patins à roulettes
Le suspense
Sur le divan des costumes, unis, à rayures, à damiers dans les tons gris et jaune ou rose shocking attendent en vrac l’heure fatidique. « Ce ne sont pas les miens », prévient-elle, mystérieuse.
Jusqu’au dernier moment elle gardera le suspense. Au grand dam des photographes venus à la répétition pour la surprendre dans son habit de lumière. La seule chose qu’elle daigne confier : « Ne vous attendez pas à me voir en robe, c’est pas mon genre. »
15 heures. France Gall monte sur l’immense scène du Zénith, l’arpente, vérifie les lumières, le micro, donne un conseil à un chanteur et se plante au centre, main en visière sur son regard pointé en direction de Michel Berger « OK ? Noir dans la salle ! »
C’est reparti jusqu’à minuit.
Un vrai festival des grands succès qui ont fait vibrer le Palais des Sports en 1982 comme « Résiste », « Si, maman si », « Tout pour la musique » et des nouveaux tubes de son dernier album « Débranche », avec le fameux « Hong Kong Star » ramené de leur voyage en Chine … mais pour en savoir plus, il faudra aller la voir au Zénith.
Journal : France-Soir
Par Monique Prévot
Photo Jean Laborie (France-Soir)
Date : Date : 11 septembre 1984