Classée troisième de votre référendum et première des chanteuses, NUMÉROS 1 avait raison de titrer l’été dernier, France Gall, pari gagné.
Elle est l’incarnation de toute une génération adolescente. Son personnage, sa musique, ses textes sont l’expression du moment. Peu d’artistes y parviennent.
France Gall : une révélation des années 60.
Petite bombe en pleine vague yéyé, elle explose. Partout. Un nom qui sonne haut et fort chez les pros, par son père (musicien). Parmi tous les « wouap dou wouap », la première Lolita de la chanson vient de naître.
Révélée par l’Eurovision en 65, Poupée de cire, poupée de son la stigmatise. Cette blonde adolescente aux yeux rieurs et à la voix encore enfantine suscite l’intérêt. France Gall épouse le succès.
Très vite, elle passe de la ritournelle facile et primaire, Sacré Charlemagne, à des chansons drôlement et tendrement perverses, Les sucettes, avec un rare bonheur. Elle ne semble pas trop savoir ce qu’elle chante mais elle plaît. Parfois, elle… excite !
France Gall, populaire au top niveau, voyage et trimballe ses rengaines de pays en pays. À seize ans, c’en est trop ! La cassure est imminente, d’autant qu’elle semble ne plus savoir trop comment maîtriser son répertoire. Et c’est le trou noir ! Le vide !
France se cherche et privilégie, pendant ce temps, sa vie de femme. Son idylle avec le Dieu Hair (Julien Clerc) alimente la chronique des Amours célèbres en France.
Il faut attendre 1974 pour voir ressurgir France Gall, qui a digéré les années 60, son succès, le label Gainsbourg et tutti quanti.
Que lui manque-t-il ?
Des chansons qui lui collent à la peau, de celles qui créent l’harmonie. Le compositeur ? Elle l’a trouvé et sait que d’ores et déjà ce sera lui ou personne : Michel Berger. Comme interprète, il est encore inconnu mais il est célèbre comme auteur-compositeur et comme producteur. Il vient de révéler Véronique Sanson.
L’association Gall-Berger semble impossible. Pourtant, elle se réalise.
Premier acte de cette association : La déclaration d’amour, gravée sur vinyle. Une mélodie superbe, des paroles gentillettes : premier 45 tours témoin de la naissance d’un son et d’un univers qui sera celui de Michel et de France. C’est aussi la transposition (disque en coulisse) d’une histoire d’amour…
L’année suivante, France enregistre un nouveau single, Aime-là. Le look s’affirme : cheveux plus courts, voix plus assurée. France s’attache de plus en plus à ne plus projeter l’image de « Lolita » femme-enfant qui fit son succès dans les années 60. Avec ce second 45 tours, sa voix est définitivement trouvée. Oh ! D’aucuns diront qu’elle n’est qu’une copie populaire de Véronique Sanson. Peut-être n’ont-ils pas encore saisi l’importance et l’originalité de son talent.
1976 ? L’année importante, capitale même.
Avec la sortie de son premier album nouvelle manière, elle touche un public très large et surtout émotionnellement très riche : les enfants, les ados, les fans du rock, du blues comme les amoureux du disco et les défenseurs de la chanson française, tous se retrouvent en elle. Certes, ce n’est pas l’unanimité totale, mais France brouille les cartes : non seulement elle se détache de la variété populaire ordinaire des années 70, mais elle brise aussi les étiquettes. France n’est pas une chanteuse à tiroirs.
Derrière elle, tout un consensus national !
À partir de là, son succès ne va qu’en grandissant. L’album est un franc succès et les critiques les plus enviables lui sont décernées.
Le temps d’un duo avec celui qui est devenu son mari, Ça balance pas mal à Paris, symbolise l’étroite collaboration qui la lie désormais à Berger. La télé les accueille pour un show exceptionnel.
Émilie ou la petite sirène (1976) les marginalise davantage encore dans la variété traditionnelle tout en accentuant leur vocation populaire : paradoxe rare !
Victoire en discothèque
En 77, France veut aller plus loin encore. La sortie de son nouvel album, Musique, la veille de l’été, est un véritable événement, salué par les critiques comme l’un des meilleurs disques des cinq dernières années. Il contient, il est vrai, de véritables petits chefs-d’œuvre.
Écoutez Maggie, Si maman si et vous serez séduit. Outre le succès foudroyant du disque, cet album marque la percée de France dans les discothèques. Eh oui, en plein ouragan disco, France conquiert le public des boîtes de nuit !
Depuis ? Elle n’a pas quitté la magie des spotlights. Depuis ? Elle a la réputation d’être le chef de file en France de la « dance-music ».
Pour la rentrée 77, elle fait le pari d’affronter le public en direct (elle que l’on dit être anti-star et surtout pas « bête de scène »…).
Un test déterminant pour la suite de sa carrière. Et pendant une semaine, au Théâtre des Champs-Élysées, France décide de tabler sur l’originalité.
Le spectacle made in France Gall est uniquement composé de filles. Une première et une réussite. C’est sur cette scène qu’elle impose, pour la première fois, son jeu très « modern-dance » en tournant résolument le dos aux paillettes et aux strass. Les échos, une fois de plus, sont unanimes. Désormais, France Gall jouit d’une presse inégalable pour une chanteuse dite de variété.
En 1979, France se mesure à un projet collectif : Starmania, un opéra-rock signé Berger-Plamondon.
Piège ? Peu de vedettes parvenues à son stade de popularité osent l’affronter. Elle, si ! Elle devient alors, dans Starmania, une parmi d’autres. Une, dans une distribution brillante où, dans le livret, les interprètes tiennent plus de place qu’elle.
1980 : un nouveau tournant.
Son album Paris-France, en l’espace de quelques semaines, est n° 1 des ventes et domine l’année entière avec sa chanson phare, Il jouait du piano debout.
Autre événement 80 : Michel Berger éclate pour la première fois en tant qu’interprète. Le couple ne quitte pas la tête des hits de tout l’été et même de l’automne. L’hégémonie est telle que, pour beaucoup d’observateurs, l’année 80 porte le label France Gall et Michel Berger.
Magazine : Numéros 1
Didier Varrod
Date : Mars 1985
Numéro : HS