Destins brisés : Michel Berger

Destins brisés : Michel Berger

Sous la tendresse, la révolte

A la fin d’une partie de tennis, le 2 août 1992, Michel Berger a eu un malaise. Sous la lumière de la Provence, dans la maison ocre qu’il partageait avec sa femme, France Gall, et leurs deux enfants, il est mort quelques minutes plus tard.

Soudain, le public qui ne connaissait pas vraiment ce timide inspiré et fécond a découvert que, depuis bientôt trente ans, il chantait du Berger sans le savoir. Comme dans la légende, il avait été foudroyé en plein essor.

Et, pourtant, on a appris que le compositeur de 45 ans, apparemment dans la force de l’âge, se savait fragile.

C’était le secret de tant d’intensité, l’urgence et l’exigence de vivre vite.

Le surdoué de 16 ans pose timidement sur la photo historique des copains

“A 14 ans, j’ai connu la cassure intégrale, en écoutant Ray Charles et Elvis Presley, disait-il. J’ai décidé d’abandonner le solfège, de rejeter la technique classique.” Fils cadet du Pr Jean Hamburger et de la pianiste Annette Haas-Hamburger, Michel Berger est un enfant doué. A 3 ans, il joue du piano à quatre mains avec sa mère. Parallèlement à la musique, qui a toujours fait partie de son univers, il continue ses études: le lycée Carnot, puis philo à Nanterre avec, pour sujet de maîtrise, “L’esthétique de la pop music”. Dès 15 ans, il a sorti son premier disque sous le label La Voix de son maître: “Tu n’y crois pas”, sélectionné comme “Chouchou” par “Salut les copains”. Le 12 avril 1966, il pose (tout à gauche, au 3e rang) pour la photo légendaire des idoles yé-yé réalisée par Jean-Marie Périer pour “S.L.C.”. Il a 19 ans – deux rangs derrière lui, devant Sylvie Vartan, sourit France Gall. Ce jour-là, pourtant, Michel et France ne se sont même pas vus. En 1974, quand il pose dans son appartement proche du parc Monceau, il est un musicien reconnu. Il s’est laissé pousser les cheveux, mais n’a pas perdu son look sage.

Les toutes premières images d’une harmonie qui va durer 17 ans

En 1974, France, après avoir entendu à la radio la chanson de Michel “Attends-moi”, lui a demandé d’écrire pour elle.

Il a d’abord refusé, car l’image de la “copine” yé-yé, interprète de “Sacré Charlemagne” ou de “Poupée de cire, poupée de son”, lui faisait peur. Puis il s’est laissé convaincre. Il lui offre d’abord “La déclaration”, le premier tube de la jeune femme depuis cinq ans. Bientôt, le 22 juin 1976, ils se marient à la mairie du 16e arrondissement de Paris. Ils vivent près du bois de Boulogne dans une isba construite pour l’Exposition universelle de 1889, et leurs gages d’amour s’inscrivent sur des partitions. Michel s’attendrit en voyant France peindre.

En 1979, au bonheur de l’amour partagé s’ajoute le triomphe de l’opéra rock “Starmania”. En 1980, Michel joue les reporters aux pieds de France. Mais, très vite, ils éviteront d’apparaître en photo ensemble : Michel, en accord avec France, refuse que l’image du couple fasse perdre à chacun sa personnalité.

Après la blessure de l’enfance, Michel retrouve son célèbre père

Michel était le fils du célèbre Pr Jean Hamburger, premier chirurgien au monde à avoir réussi, en 1962, une transplantation de rein. Mais ce père, qui aurait voulu créer une dynastie de médecins, a surtout été un absent. Michel était encore très jeune quand le grand héros de la science a quitté la maison où il vivait, laissant son éducation à sa mère, la pianiste Annette Haas. Il en a été blessé, et c’est une des raisons pour lesquelles il attachait tant d’importance à l’harmonie de la famille qu’il avait créée avec France Gall, et où Raphaël et Pauline étaient élevés dans la musique et la tendresse. Michel avait éprouvé une grande satisfaction, ces dernières années, à découvrir enfin chez son père une complicité intellectuelle qui le dédommageait de ses frustrations d’enfant.

Et c’est France qui avait tenu à fixer un de ces moments où, à La Colombe d’or de Saint-Paul-de-Vence, le père et le fils, le docteur et le saltimbanque, renouaient un dialogue trop tôt interrompu. Le professeur disait à Michel : “Créer, c’est anéantir le néant”. Il est mort deux mois avant lui.

Ils aiment mettre en scène les sourires d’un bonheur fragile

Michel avait un peu appréhendé les séances de photos pour la promotion de leur album. Il craignait de paraître gauche près de France, plus accoutumée que lui à ce qu’il considérait comme une corvée. Mais ses réticences sont tout de suite tombées, et jamais titre n’aura, finalement, été plus justifié que celui de “Double jeu”, tant il s’amuse sincèrement en posant avec elle. En quête permanente de spontanéité artistique, il choisira pourtant, pour la pochette du disque, une image plus insolite. Le photographe Thierry Boccom-Gibaud, qui avait filmé les enregistrements en vidéo super-huit, lui a montré, un soir, un effet de solarisation sur arrêt d’image. Enthousiasmé, il exige d’en obtenir un tirage par ordinateur. Amoureux de la vie, c’est la vie même qu’il entend restituer par toutes les facettes de son talent.

Saint-Tropez, 2 août 1992 : Michel, une heure avant d’être foudroyé

Une heure avant, il était descendu à Saint-Tropez. Préoccupé par l’adaptation -à New York- de son opéra rock “Starmania”, Michel n’était pas totalement en vacances. Après les courses en ville et les nombreux coups de téléphone, c’est en fin de journée qu’il prenait son meilleur moment de détente, sur le tennis de sa maison du Capon, à Ramatuelle. Ce soir du 2 août, il a attendu la fraîcheur du soir pour venir y frapper les premières balles. Et, soudain, les bruits de raquettes et les éclats de voix se sont interrompus. Après son malaise, Michel a pensé que la crise était passée. Il est allé prendre un bain quand la douleur a, de nouveau, déchiré sa poitrine. C’est alors que France Gall a appelé le médecin, qui n’a rien pu faire quand la troisième attaque cardiaque a éclaté. Dans ses papiers, on a retrouvé plus tard une lettre de son père à un confrère cardiologue, lui demandant d’examiner Michel. Il n’a jamais utilisé cette recommandation. Il savait donc, et c’est pourquoi il était si pressé de vivre.

L’article consacré à Michel Berger ne peut pas être intégré en retranscription car il a été mal séparé du magazine et des caractères sont manquants.

Magazine : Paris Match
Date : 5 août 1993
Numéro : 2306

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