Après Serge Gainsbourg et Johnny Hallyday, c’est au tour de France Gall de subir un petit traitement collector de la part du docteur Dial.
Selon deux potions.
D’une part en rééditant à trois mille exemplaires numérotés ses deux 25 cm de 1964 en fac-similé du format original. D’autre part en proposant selon le procédé “Collection 60 Des EP Français” de la marque Magic, bien connu maintenant des collectionneurs, deux CD rassemblant dans l’ordre dix des super 45 tours de France Gall entre 1963 et 1967.
Avec à l’intérieur la reproduction de ces derniers dans un livret couleurs. Contrairement à d’autres produits du Club Dial, ceux-ci sont disponibles par simple correspondance (voir publicité dans Juke Box Magazine N°100). Démarrée en 1963 et toujours en vigueur, la carrière de France Gall n’est pas avare d’ambivalence. Ses deux tronçons, 60 et 70/80/90, placés sous des augures très différents, sont pour d’aucuns, dont elle-même, antinomiques. Quoi qu’il est tout à fait possible d’apprécier les deux. Rien de bien inexplicable là-dedans quand on pense que France Gall a débuté à seize ans, qu’on lui a fait chanter des thèmes intimement liés à son âge (voire même à celui inférieur), jouant au mieux de sa voix pré-adolescente.
Pas étonnant qu’à l’entrée dans une autre tranche d’âge sa sensibilité d’artiste se soit complètement modifiée. Ensuite, dans le cru qui nous intéresse, volontairement ou involontairement – grande question -, France Gall a réalisé une sorte de grand écart entre Nounours et Lolita. Autrement dit entre une extrême candeur, redevable aux textes de son attentionné papa, Robert Gall, et les insinuations les plus osées, dues bien sûr à Serge Gainsbourg. En 1966. les fameuses “Sucettes” sont ainsi couplées sur le même super 45 tours à … “Je Me Marie En Blanc”!
Pour goûter l’œuvre des années Philips de France Gall, il faut aimer ce qui est acidulé, non-adulte, candide et un tantinet kitsch avec le recul. Et l’on débouche dès lors sur un excellent yéyé, divertissant et de plus bien réalisé, alternant rythme et tendresse. Le lait que l’ensemble du répertoire ne recèle que trois reprises nord-américaines prouve en outre que la pratique généralisée de l’adaptation n’était pas obligatoire pour obtenir efficacité et succès. On peut relever également une certaine sensibilité jazz (“Pense A Moi”, “Jazz A Goqo”, “Le Cœur Qui Jazze”) et parfois une approche groupes féminins américains dans certains arrangements à étages et voix superposées (“La Cloche”). Avec son timbre unique, ses envolées mutines soudaines, son chant parfois poussé à l’extrême (comme l’aime Serge Gainsbourg), la prestation vocale de France Gall est essentielle.
Les textes passent au crible les sentiments et situations que peut rencontrer une adolescente, plutôt naïve en général. Parfois ils laissent un peu perplexe, comme dans le charmant “Si J’Etais Un Garçon”; “Moi je vous le dis, Qui connais les filles! Plus elles disent NON, plus ça veut dire OUI”.
Pierre IAYANI
Magazine : Jukebox Magazine
Date : Mars 1996
Numéro : 102