En six ans, le monde s’est effondré autour d’elle.
Tout avait commencé au cœur de l’été 92, quand la mort a décidé de faucher son mari, Michel Berger. Brisée par le chagrin, France Gall a ensuite été harcelée par le cancer, qu’elle a affronté courageusement. Puis est venu ce jour tragique – le 15 décembre dernier – où Pauline, sa fille adorée, a fermé les yeux pour toujours. Depuis, France Gall a disparu …
RAMATUELLE, le 2 août 1992. Par un beau soir d’été, Michel Berger tombait, foudroyé par une crise cardiaque, laissant France Gall, son amour, sa femme, seule pour affronter la vie. Mais, très vite, la chanteuse a senti qu’elle devait réagir. Pour survivre et surtout pour atténuer un peu la souffrance de ses enfants, Raphaël et Pauline … « Dès le lendemain de la mort de Michel, confiait-elle à Madame Figaro, je leur ai fait une vie gaie. J’ai laissé la porte ouverte à tous les amis tout au long de l’année … »
Animée par une énergie peu commune, France allait même trouver la force de se remettre au travail. Et trois mois après la disparition de Michel, elle sortait un nouveau clip, un véritable hommage à son amour trop tôt disparu … Bien sûr, elle gardait son chagrin à fleur de peau, pourtant sa force de caractère ne pouvait que susciter l’admiration.
« Il faut continuer à vivre avec le souvenir des bons moments, en espérant bien sûr que la souffrance s ‘atténuera », déclarait-elle quelques mois après le drame, comme pour exorciser le mauvais sort.
Ses proches espéraient que son calvaire s’achèverait avec le dernier soupir de Pauline …
Et lorsque le destin s’est abattu sournoisement sur elle une nouvelle fois, France n’a pas baissé les bras. Victime d’une tumeur maligne au sein, elle était bien décidée à se sortir au plus vite de cette nouvelle épreuve. « Place au rire, à l’amour et à la musique toujours », ajoutait-elle encore. Et France a gagné son combat. Sereine, elle se sentait prête à embrasser de nouveau la vie.
Hélas, subitement, le 15 décembre 1997 et après des années de maladie, Pauline, l’enfant tant aimée, l’adolescente fragile, était emportée par la mucoviscidose. L’horreur.
Après avoir rendu, à travers un poignant discours, un ultime hommage à fille tant aimée, Pauline, France s’est réfugiée da les bras de celui qui incarne aujourd’hui sa seule raison son de vivre, son fil Raphaël.
Mais pour la mémoire de sa jolie Pauline, France a trouvé le courage de lui rendre un dernier hommage le jour de ses funérailles, à travers un déchirant texte d’adieu. « Ma chérie, Raphaël et moi sommes là pour te dire au revoir. Et respire maintenant ! »
Ces paroles ont été les dernières. Depuis, plus rien. La chanteuse a tout simplement disparu.
Murée dans son chagrin, France vit désormais en recluse dans son appartement parisien, tournant le dos à la chanson. La reverra-t-on un jour sur scène ? Lui reste-t-il assez de courage pour réagir? Depuis qu’elle est entrée dans la période la plus noire de sa vie, elle semble ne plus avoir de goût à rien. Pourquoi, après tant d’injustes souffrances, lui faudrait-il encore sourire chaque jour à la vie ?
« The show must go on. »
Le spectacle doit continuer. C’est peut-être facile à dire, mais tellement dur à vivre quand on souffre, le cœur baigné par le chagrin. Comment imaginer dans de tels moments qu’on puisse se retrouver dans un studio d’enregistrement avec, pour seul souci, la qualité du son, ou sur une scène illuminée pour chanter, danser ou rire parfois ?
Pourtant, une personne, une seule, mérite aujourd’hui, et plus que jamais, tout l’amour et la tendresse d’une mère : Raphaël. Son fils de dix-sept ans. Le seul être au
monde qui ait traversé tous ces drames à ses côtés. Ce jeune homme qui, pour être à plein temps auprès de sa sœur, n’avait pas hésité à quitter le lycée afin de suivre des cours par correspondance. Ce fils dévoué et ce frère attentionné qui a tant donné pour les deux femmes de sa vie.
Pour lui, France sait qu’elle va devoir relever la tête et se battre. Pour qu’il arrive un jour à mener une vie normale d’adolescent, pour qu’il ait à nouveau envie de s’amuser sur les bancs du lycée, pour qu’il savoure encore le plaisir des virées à scooter entre copains, France Gall va devoir être encore plus forte. Et se ressaisir.
En trois mois, les riverains de son appartement parisien n’ont fait que l’entrevoir: lorsqu’elle s’engouffre, vêtue de noir, dans une voiture, le visage protégé par de larges lunettes de soleil. Ses amis les plus proches, qui avaient partagé sa douleur avant le drame, imaginaient que son calvaire prendrait fin le jour où tout espoir serait définitivement perdu. Malheureusement, il n’en est rien. Et ceux qui pensaient qu’elle avait vécu le pire constatent aujourd’hui que son cauchemar continue.
Mais qui sait ? La chanson finira peut-être par lui manquer. On l’espère. France a déjà prouvé qu’elle cachait en elle des trésors de courage. A cinquante ans, elle sait mieux que personne que, sur le fil fragile de la vie, le bonheur est inséparable de la douleur … Hélas.
Magazine : Ici Paris
Karine LANGLOIS
Date : 18 au 24 mars 1998
Numéro : 2750