“Oh le joli nom ! Le même que celui de notre beau pays. France Gall vient de fêter son soixante-dixième anniversaire. Déjà ! Et si on l’aime aussi fort qu’à ses plus jeunes années, c’est parce que ses chansons se fredonnent avec toujours autant de plaisir, et parce que son parcours de femme force le respect … ainsi que sa discrétion. C’est donc avec un sentiment de complicité que nous l’accueillons dans nos pages, comme une chère amie. Et France Gall continue de nous séduire : toujours aussi simple, toujours aussi douce, toujours aussi belle. Bon anniversaire !” Marion Minuit, Directrice de la rédaction
Entre France Gall et le public, c’est une amitié au long cours, et à distance.
L’artiste s’est éloignée des scènes, préférant le silence à la musique. Elle s’est recréé des mondes rien qu’à elle … Sur l’île de N’Gor au large de Dakar dans sa maison sans électricité ni eau courante à laquelle on n’accède qu’en pirogue, à Paris, dans l’appartement des jours heureux qu’elle n’a jamais voulu quitter, à Honfleur, dans la maison où résonnaient hier les rires des enfants, ou encore à Ramatuelle, dans cette propriété où Michel Berger rendit son dernier souffle. Elle se préfère casanière, mais avoue se coucher chaque jour au moment où le soleil se lève. L’heure de son soixante-dixième anniversaire a sonné et elle n’oublie rien … Une vie d’amoureuse et de chanteuse.
La chanson, pour France, c’est une affaire de famille. Entre un papy maternel, créateur des Petits Chanteurs à la croix de bois, et un papa, Robert Gall, à qui l’on doit, entre autres, La Mamma de Charles Aznavour, il y avait de quoi rêver sa vie en musique !
Née le 9 octobre 1947, Isabelle, Babou pour les intimes, grandit parmi les chanteurs. A 15 ans, elle envie Sylvie Vartan, en plus, elle habite dans la même rue ! Son père, devinant la force de son désir, lui permet d’enregistrer un 45 tours quatre titres, dont deux signés d’un certain Serge Gainsbourg : N’écoute pas les idoles et Laisse tomber les filles. Un honorable succès, très vite dépassé par Sacré Charlemagne, en 1964. Au passage, Monsieur Gall lui trouve un nom d’artiste, ce sera France, inspiré par l’imminence d’un match de rugby, France-Galles. Elle adorait qu’on l’appelle Babou, son nom de scène la désole et, voici qu’en chansons, dans les larmes, elle quitte l’enfance …
Premiers succès et aussi premier amour … Il s’appelle Claude : Claude François ! Elle a 17 ans, il en a 25. Un amour brulant qui la dévore. Il est dominateur, jaloux, manipulateur. Trois années durant lesquelles elle encaisse les coups bas et le désamour. Il ne supporte pas son succès, moins encore sa victoire à l’Eurovision, le 20 mars 1965, avec Poupée de cire, poupée de son. La coupe est pleine, France prend son envol. Cette rupture est un crime de lèse-majesté que Claude François ne lui pardonnera jamais. De cette douleur d’avoir été abandonné, naît le plus grand tube de l’idole, Comme d’habitude.
Hardy, Vartan et Sheila continuent de mener leur barque, mais le temps des yé-yé s’essouffle. France Gall, elle, en a assez d’être un produit. « Elle durera parce qu’elle n’est pas grande. Les petits compensent par un travail fou », témoigne alors Charles Aznavour, il sait de quoi il parle ! France n’a pas non plus supporté d’avoir été la victime des bons mots de Gainsbourg, qui signa pour elle la chanson Les Sucettes. En effet, l’interprète, tout à la candeur de ses tendres années, n’a pas soupçonné le double sens des paroles de Gainsbourg. « Quand j’ai compris, je me suis enfermée pendant six mois. Je ressentais une tromperie des adultes, une trahison », confiera l’intéressée en 2004.
Enfin sortie de l’adolescence, elle entre en rébellion contre son père. Après le succès en 1967 de Bébé requin, signé par un jeune Américain, Joe Dassin, elle fuit le chemin qu’on lui a tracé pour se mettre au vert loin du petit monde de la chanson. Pendant plus de quatre ans, elle partagera la vie d’un débutant au physique romantique, Julien Clerc. Un repli médiatique qui arrange le jeune chanteur adoré des minettes, si soucieux de tenir secrète cette relation. Elle vit à la campagne, cuisine et rêve d’enfants.
Après avoir sous-estimé la force de ses ambitions, voici qu’elles lui reviennent en pleine face. France veut de nouveau vivre en musique, elle quitte Julien Clerc. Lequel, au comble du chagrin, enregistre Ballade pour un fou et Souffrir par toi n’est pas souffrir. La vie de France Gall est décidément une histoire de chansons …
Et c’est aussi pour la musique qu’elle se dirige vers Michel Berger … Ce printemps 1973, France est dans sa voiture quand jaillit une voix qui la bouleverse. Le speaker prononce le nom de Michel Berger, elle se souvient l’avoir déjà croisé. Le hasard veut qu’elle le rencontre dans un studio quelques jours plus tard. Elle le presse de lui écrire une chanson. Celui-ci résiste, puis cède, ce sera La Déclaration d’amour. Michel entre dans sa vie. Harmonie musicale et amoureuse, le mariage et la naissance de leurs enfants, Pauline et Raphaël. Comme autant de fleurs sur le chemin de leur histoire, éclosent des chansons, celles de Starmania, puis Si, maman si, Il jouait du piano debout, Résiste, Débranche !, Cézanne peint, Ella, elle l’a, Babacar, Évidemment … Leur bonheur est immense, autant que leurs succès. « Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y aura une facture à payer un jour », déclare France. Une prémonition qui donne le frisson … En effet, le couple apprend bientôt que leur petite Pauline, 4 ans, est atteinte d’une mucoviscidose. Le 2 août 1992, Michel est victime d’une crise cardiaque, laissant France si seule. Cinq ans plus tard, c’est la jeune Pauline qui, à 19 ans, rejoint l’ombre.
France, silencieuse et pudique, a depuis réappris à vivre. Rechanter un jour, sans Michel, elle n’y pense pas un seul instant. Mais c’est avec succès qu’elle a rendu plus vivantes que jamais ses chansons. Un spectacle musical intitulé Résiste. Résister à tout, envers et contre tout. .. Son credo, l’histoire de sa vie !
5 chansons éternelles …
- 1974 / La Déclaration d’amour. La première chanson que France inspire à Michel ! Le retour de France sur le devant de la scène, mais surtout le début de l’histoire d’amour du compositeur et de sa muse.
- 1980 / Il jouait du piano debout. C’est après avoir vu à la télé Jerry Lee Lewis jouer du piano debout que Michel Berger a écrit ce tube.
- 1981 / Résiste. En 1981, France et Michel habitent à Rueil-Malmaison dans une maison qu’ils louent à Adamo lorsqu’ils réécoutent le disque qu’ils viennent d’enregistrer. Michel Berger décide qu’il manque deux titres; à son piano, dans le garage, il crée en quelques heures Résiste et Tout pour la musique.
- 1984 / Débranche! Berger a imaginé ce titre en repensant aux villages perdus de Chine traversés avec France dans les années 70. « Les habitants regardaient la pluie tomber et semblaient heureux en vivant totalement déconnectés du monde moderne », évoque France.
- 1992/ Laissez passer les rêves. L’album en duo dont France et Michel avaient rêvé. Il est aussi un chant d’adieux. Michel meurt sitôt l’album publié.
Magazine : Nous-Deux
Par David Lelait-Helo
Numéro du 10 au 16 octobre 2017
Numéro : 3667
Merci à Elisabeth.