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France Gall : la musique est plus forte que tout | Gala | Novembre 2004

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France Gall sort de son silence. Pour rendre hommage à Michel.
En nous offrant l’anthologie de ses années Berger, la chanteuse semble vouloir tout nous dire sur son passé. Et, comme une revanche sur la vie, elle a décidé de se reconstruire au jour le jour. Confidences glanées.

Elle est là. On ne l’attendait plus. Et elle se confie.
De nouveau. Elle va mieux, France. Elle rit, aussi. Elle a toujours aimé ça. C’est une force qu’elle a en elle, un pouvoir, presque un subterfuge à la douleur. France, c’est le contraire de l’apitoiement.

Elle veut croire en sa philosophie.
La philosophie du bonheur, quoi qu’il arrive. Elle réfléchit, tout le temps. Elle tergiverse, hésite, se reprend. Parfois, elle ne sait plus. Jusqu’à ce qu’elle prenne sa décision. Et qu’elle s’y tienne. Car, même si elle est entourée, elle se sent toujours seule. Et souvent, il n’est pas facile de savoir ce qui est bien pour soi.

Depuis la disparition de Michel, en 1992, puis de sa fille Pauline, cinq ans plus tard, France Gall semble avoir pris en main les rênes de son existence. C’est comme si, désormais, elle ne voulait tirer de la vie que sa quintessence, sans contraintes ni projets. Juste se laisser glisser pour mieux atteindre la sérénité. Et l’équilibre.

« Aujourd’hui, dit-elle, je veux que les gens autour de moi soient heureux. »

La sortie d’une compilation, d’un coffret et d’une intégrale de ses œuvres* va dans ce sens. Il y a là comme une jubilation, une délectation à nous imaginer piochant dans son répertoire avec euphorie. Car, curieusement, la nostalgie n’est pas l’âme de ces albums.

Tant mieux. Car, elle l’avoue volontiers, même si pour elle l’héritage musical de Michel est un devoir, ce qu’elle souhaite avant tout, c’est nous savoir comblés. Car la musique est magique :

« Elle est plus forte que tout », dit-elle.

Voilà donc ce qu’elle aime faire aujourd’hui : se balader dans le répertoire de Michel. Et se la couler douce. Dans ses lieux de vie, à Paris, en Normandie, près de Ramatuelle ou encore à New York et à Dakar, au Sénégal, dans ses maisons qu’elle décore, redécore à l’envi. Elle prend le temps de regarder, d’écouter, d’attendre aussi.

Dans le passé, France virevoltait, s’agitait, se bougeait.
Aujourd’hui, elle cultive la légèreté, résiste au désespoir.
Le sort s’est acharné, elle le défie.

La vérité est si lourde à porter qu’il est tentant de ne pas la regarder en face. Les épreuves, pourtant, semblent lui avoir révélé une part inconnue d’elle-même :

« Je peux sembler fragile, dit-elle dans une interview à L’Express, mais il y a aussi en moi une femme énergique, courageuse, je crois, et cette femme-là fait ce qu’elle peut devant l’adversité. »

Cette femme-là fait aussi ce qu’elle doit. Car la chanteuse a une haute opinion de la vie et de la façon dont elle doit être vécue. Avec audace, gourmandise, passion. C’est sans doute ce qui la pousse à se remettre en question, chaque jour.

Et c’est sous le soleil de son île africaine, assise face à la mer dans son « cabanon » coloré, sans électricité, auquel on accède en pirogue, qu’elle parvient à se retrouver.

« Je m’y sens chez moi, en paix avec moi-même », aime-t-elle confier.
Et d’ajouter : « Ici, je vis. »

Car tout est là. Pouvoir vivre quelque part. Ce qui, pour elle — comme pour tous ceux qui ont perdu un proche — n’est pas encore possible. C’est plutôt l’hiver qu’elle se réfugie au Sénégal.

« Quand j’ai acheté ici, confiait-elle récemment, j’étais très entourée. Je rêvais de m’y retrouver seule, et en même temps, ça me paraissait le summum de la solitude. Désormais, lorsque je suis dans cette maison, je vis dans un autre temps, avec mes livres, face à l’Atlantique. »

Le contraire de New York où elle rejoint son fils Raphaël, musicien. Elle y voit plus de monde, mais ne va pas plus vite pour autant. Là-bas comme ailleurs, France est spectatrice consentante du monde qui l’entoure.

Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne se sente pas concernée. On le sait, elle est une battante. Même dans sa façon d’interpréter ses chansons :

« À la mort de Michel, explique encore France, j’avais besoin de chanter d’une manière brutale, dure, pour être en accord avec ce que je ressentais. »

Après la mort de Pauline, ce fut le contraire : « J’ai eu envie de me taire. »

De fait, on l’entend peu. Son quotidien est une succession de voyages, avec l’espoir qu’un nouveau cycle se présente enfin dans sa vie, avec des envies fortes, des désirs, et une idée précise de l’avenir.

Pour l’heure, ce n’est pas qu’elle en ait peur, mais elle n’ose penser le lendemain :

« Je veux le vide devant moi », dit-elle.

Le vide, ça veut dire ne pas avoir de portable, ne rien noter sur son agenda, résister aux obligations…
Bref, être maîtresse de sa vie à plein temps.

Alors, elle lit beaucoup, regarde Star Academy et des documentaires à la télé, s’enferme pour mitonner des petits plats en sauce, joue au rami avec des amis choisis.

La nuit, elle vit davantage que le jour : bougeant les meubles, recopiant de jolies phrases sur des petits carnets, écoutant la musique de Michel — et uniquement la musique de Michel. Sinon, elle préfère inviter le silence. Une sorte de méditation.

« Moi, reconnaissait récemment France, j’ai voulu apprendre à ne pas pleurer la mort des autres. […] Le bonheur, c’est enlever tous les poids, se débarrasser de tout ce qui vous peine ou vous angoisse, de tout ce qui vous empêche d’être bien. »

Au fond, c’est d’une grande simplicité.
C’est pourtant si complexe, presque vain.
Mais vous ne lui ferez pas sortir ça de la tête.

France Gall le dit haut et fort :
« Je veux être heureuse. Malgré tout. »

Magazine : Paris Match
Par Frédérique Dupré
Date : 4 novembre 2004
Numéro : 2894

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