1968 (mille-neuf-cent-soixante-huit) est le septième album sur vinyle de France Gall, publié sur la fin de la vague yéyé en février 1968.
Ce disque précède la traversée du désert de France Gall, jusqu’à son huitième album, qui sortira en 1976 : France Gall (1er album studio produit par Michel Berger)
L’édition présentée ici est une réédition japonaise sortie en 2000 au format CD. Elle est accompagnée de son OBI, une bande de papier verticale typique des éditions japonaises, placée sur la tranche du boîtier et contenant des informations sur l’album en japonais.
Ce disque marque un moment particulier dans la carrière de la chanteuse, alors en pleine transition artistique. Son passage au Japon laisse une empreinte forte, à la fois fascinante et teintée d’ambivalence. Dans une interview accordée à Bonne Soirée, elle évoque ce voyage marquant : “une expérience inoubliable, mais aussi parfois pesante en raison de l’enthousiasme débordant du public, qui la contraint souvent à rester dans sa chambre d’hôtel“.
Un an plus tôt, en 1967, à tout juste vingt ans, France Gall amorce une réflexion sur son image et son répertoire. Invitée sur France Inter pour un échange avec des jeunes auditeurs, elle est confrontée à des remarques directes : ses chansons la dépeignent comme une jeune fille naïve, éloignée des aspirations de sa génération. Cette prise de conscience la pousse à vouloir évoluer, à affirmer une nouvelle identité artistique et à s’éloigner des titres qui ont forgé son succès. Elle interrompt alors ses tournées et exprime le souhait de donner une nouvelle direction à sa carrière : un répertoire plus mature, en phase avec son âge et ses envies.
L’album 1968 reflète cette volonté de changement. La pochette, où elle apparaît dans une ambiance brumeuse et en contre-jour, illustre cette métamorphose. Ce disque, le premier en stéréo pour la chanteuse, comprend notamment Avant la bagarre, un titre inédit porté par une orchestration énergique d’Alain Goraguer.
En parallèle, France Gall travaille sa voix avec le chanteur Jean Lumière, qui l’accompagne dans cette évolution. Elle prend des cours de chant réguliers pour perfectionner son interprétation, une exigence qui l’accompagnera tout au long de sa carrière. L’année 1968 marque ainsi un tournant décisif, annonçant les prémices d’un changement artistique qui prendra toute son ampleur quelques années plus tard.
Titres et crédits | 1. Toi que je veux 2’59 (J. Dassin – J.M. Rivat et F. Thomas) | 2. Chanson indienne 2’36 (D. Whitaker – R. Gall) | 3. Gare à toi… Gargantua 2’10 (F. Botton) | 4. Avant la bagarre 2’41 (G. Magenta – R. Bernet) | 5. Chanson pour que tu m’aimes un peu 2’24 (P. Gall – R. Gall) | 6. Nefertiti 2’21 (S. Gainsbourg) | 7. La fille d’un garçon 2’24 (J. Datin – M. Vidalin) | 8. Bébé requin 2’45 (J. Dassin – J.M. Rivat et F. Thomas) | 9. Teenie Weenie Boppie 2’57 (S. Gainsbourg) | 10. Les yeux bleus 2’33 (C.H. Vic – R. Gall) | 11. Made in France 2’48 (J. Datin – M. Vidalin) | 12. La petite 2’40 (France Gall avec Maurice Biraud – G. Magenta – R. Gall et M. Simille)
Baby Pop, Les sucettes et 1968 sont réédités simultanément au Japon, en novembre 2000, dans des versions remasterisées en numérique. Ces trois albums, marquant une période clé de la carrière de France Gall chez Philips, illustrent son évolution musicale. Ils s’adressent aussi bien aux néophytes curieux de découvrir cette époque qu’aux collectionneurs avertis.
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Explication, paroles et traduction incluses | UICY-3053 | Prix : ¥2,039 (hors taxes ¥1,942) | Prix indicatif en euros : environ 12,75 € (hors taxes environ 12,15 €)
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18/11/2000 (1968) | Date limite de location : 17/11/2002 | Stéréo | Interdiction de location sans autorisation | Reproduction au-delà d’un usage personnel interdite | Diffusion en réseau interdite | Code-barres : 4988005258397 | Production : Universal International | Éditeur : Universal Music K.K. | Distributeur : Victor Entertainment Inc.
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© 1967 Polydor France | © 2000 Polydor France, un label Universal Music | All rights reserved | Unauthorized copying, reproduction, hiring, lending, public performance and broadcasting prohibited | Universal International | A Universal Music Company | Marketed by Victor Entertainment, Inc. | UICY-3053 | 00・11・18 | 67 | ▶角02・11・17まで | Made in Japan | Stereo IP
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Production : Éditions Bagatelle | Réalisation : Denis Bourgeois | Ingénieurs du son : John Timperley (Studio Chappell – Londres), Guy Salmon (Studio 10) | 1-2-3-5-7-8-9-11 Orchestre et direction : David Whitaker | 4-6-10-12 Orchestre et direction : Alain Goraguer | Éditions Sidonie sauf 6 & 9 Éditions Sidonie / Melody Nelson | Recto/Verso : Photos Mayfair
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1968/フランス・ギャル | 1. あなたが欲しい TOI QUE JE VEUX | 2. インドのうた CHANSON INDIENNE | 3. 食いしん坊さん、気をつけて! GARE À TOI | 4. けんかの前に AVANT LA BAGARRE | 5. あなたに贈る歌 CHANSON POUR QUE TU M’AIMES UN PEU | 6. ネフェルティティ NEFERTITI | 7. ある男の子の恋人 LA FILLE D’UN GARÇON | 8. おしゃまな初恋 BÉBÉ REQUIN | 9. ティニー・ウィニー・ボッピー TEENIE WEENIE BOPPIE | 10. 青い瞳に恋してる LES YEUX BLEUS | 11. メイド・イン・フランス MADE IN FRANCE | 12. ラ・プティット LA PETITE
Chronique : Traduction du texte japonais vers le français / 7 octobre 2000 – Kazukazu Miyako (nous n’avons pas d’informations sur ce chroniqueur japonais)
Veuillez noter que la traduction ci-dessous peut ne pas refléter fidèlement le texte original. Elle est fournie à titre informatif et pourrait contenir des différences de style, de ton ou de signification par rapport à l’œuvre source. Pour une interprétation exacte et définitive, nous vous recommandons de vous référer au texte dans sa langue d’origine.
L’album 1968 de France Gall, une redécouverte essentielle
Réserver cet album uniquement aux amateurs de la scène Shibuya-kei* serait une erreur. En écoutant 1968 de France Gall, j’ai été frappé par cette évidence. Des mélodies accrocheuses aux orchestrations élégantes, en passant par une voix qui, à 20 ans passés, révèle une nouvelle maturité, tout concourt à faire de ce disque une œuvre intemporelle. Même aujourd’hui, en l’an 2000, 1968 reste un album captivant, qui saura séduire aussi bien les oreilles averties que les amateurs de pop sophistiquée. On y retrouve à la fois une énergie juvénile et une richesse musicale exemplaire, offrant un parfait modèle de ce que devrait être la pop. (*La scène Shibuya-kei (渋谷系) est un mouvement musical japonais qui a émergé dans les années 1990 à Shibuya, un quartier branché de Tokyo. Ce courant est un mélange éclectique de pop japonaise (J-pop) et d’influences occidentales, notamment la French Pop des années 1960, la bossa nova, le jazz, la musique électronique, et la chanson française.)
Pour être honnête, c’est la première fois que j’écoute un album original de France Gall. Jusqu’à présent, je n’avais pas particulièrement suivi la vague de la French Pop au Japon, ayant l’impression que son succès reposait en partie sur des aspects extra-musicaux. Pourtant, en découvrant 1968, je réalise combien la musique de France Gall mérite d’être explorée pour elle-même.
En écoutant attentivement cet album, on perçoit immédiatement des éléments qui résonnent encore dans la pop contemporaine. Parmi les disques sortis la même année, on pense au White Album des Beatles, à Friends des Beach Boys, ou encore aux premiers albums de Caetano Veloso et des Mutantes. France Gall, avec 1968, propose une musique qui pourrait aisément trouver sa place parmi ces références, séduisant les amateurs de ces artistes.
L’un des points forts de 1968 réside dans ses choix de production, qui rivalisent avec les grandes réalisations pop et rock de l’époque. En 1968, alors que les artistes britanniques et américains repoussent les frontières de la pop, cet album capte l’air du temps tout en offrant une approche plus légère et instinctive du genre.
Ce qui donne à cet album son identité unique, c’est avant tout l’orchestration de David Whitaker. Selon les notes de Martine Bordeneuve accompagnant le coffret 4 CD de France Gall, 1968 est le premier album de la chanteuse où le David Whitaker Orchestra assure les arrangements. Le résultat est une réussite absolue. Associé à Alain Goraguer, qui signe également plusieurs orchestrations, il confère à l’album une élégance rare, avec des arrangements sophistiqués et inspirés. L’utilisation des cordes, des trompettes et des flûtes est particulièrement réussie, enrichissant chaque morceau d’une profondeur sonore remarquable.
L’un des titres emblématiques de cet album, Chanson indienne, illustre parfaitement le talent de David Whitaker. Il en est non seulement l’arrangeur, mais aussi le compositeur. Son usage du sitar apporte une touche envoûtante, renforçant l’atmosphère exotique du morceau. Enregistré à Londres, ce titre capture l’esprit du Swinging London et insuffle une modernité étonnante à la musique de France Gall.
Je dois avouer ne pas connaître en détail la carrière de David Whitaker, mais son travail sur 1968 laisse entrevoir un arrangeur de génie. À l’instar de George Martin pour les Beatles ou de Rogério Duprat pour les Mutantes et Caetano Veloso, il joue un rôle clé dans la construction sonore de l’album. Il serait intéressant d’analyser la French Pop sous cet angle, en mettant en lumière ces talents de l’ombre qui ont contribué à son esthétique.
Parmi les morceaux marquants, deux titres signés Serge Gainsbourg se distinguent. Nefertiti, inspiré de l’Égypte antique, dévoile une ambiance exotique et mystérieuse, typique de l’univers du compositeur. Mais le titre le plus audacieux reste sans doute Teenie Weenie Boppie, un morceau pop en apparence léger, mais dont les paroles évoquent les effets du LSD. L’allusion directe à Mick Jagger témoigne du goût de Gainsbourg pour la provocation.
L’album contient également deux chansons de Joe Dassin, compositeur du tube Les Champs-Élysées. Toi que je veux et Bébé requin, qui fut un succès en single, illustrent son talent pour la chanson populaire. L’album se conclut sur La petite, un duo avec Maurice Biraud, acteur et animateur très populaire à l’époque, apportant une touche théâtrale et intrigante à l’ensemble.
Mais l’élément central qui donne toute sa valeur à 1968, c’est bien sûr la voix de France Gall. Cet album est son septième et marque la fin de son contrat avec Philips, clôturant ainsi son premier cycle artistique, celui de l’adolescence et des débuts sous l’aile de Gainsbourg. Son interprétation y gagne en nuances, exprimant une palette d’émotions plus large que sur ses premiers disques.
France Gall se situe ici dans une zone intermédiaire entre l’adolescence et l’âge adulte, une transition qui confère à sa voix une sensibilité particulière. Contrairement à de nombreux artistes de l’époque, elle ne compose pas ses propres chansons, mais on sent qu’elle cherche déjà à s’approprier les textes et à insuffler ses propres émotions à l’interprétation. Son chant ne relève ni de l’innocence pure, ni de la séduction assumée, mais trouve un équilibre subtil qui fait toute son originalité.
Cette délicatesse dans l’interprétation est un atout majeur, car une voix trop lisse ou trop évidente finit souvent par lasser. Si 1968 reste aussi captivant aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à la manière dont France Gall habite ses chansons, rendant chaque morceau vivant et sincère. Cinq ans après ses débuts en 1963, elle a gagné en maturité et en expérience, ce qui fait d’elle une artiste bien plus complète.
La sortie japonaise de 1968 s’accompagne de la réédition de deux autres albums de sa période Philips, Baby Pop et Les Sucettes, tous remasterisés en numérique. Ces disques, qui témoignent d’une époque où elle peaufine son identité musicale, s’adressent autant aux néophytes qu’aux collectionneurs avertis.
Pour moi, 1968 est bien plus qu’un simple album : c’est un repère essentiel pour comprendre France Gall et, au-delà, l’ensemble de la French Pop.
7 octobre 2000 – Kazukazu Miyako