Baby Pop est le cinquième album vinyle de France Gall, sorti au printemps 1966, en pleine vague yéyé.
L’édition présentée ici est une réédition japonaise sortie en 2000 au format CD. Elle est accompagnée de son OBI, une bande de papier verticale typique des éditions japonaises, placée sur la tranche du boîtier et contenant des informations sur l’album en japonais.
Il s’agit d’un recueil rassemblant les trois derniers EP de la chanteuse. À cette époque, le format 25 cm, hérité du 78 tours, disparaît progressivement au profit du 30 cm, devenu la norme pour les albums. C’est sous cette forme que Baby Pop est édité, porté par le titre éponyme, qui est alors le plus récent succès de France Gall.
Avec Baby Pop, Serge Gainsbourg prend un tournant décisif dans son écriture. Il s’éloigne de ses premières compositions plus confidentielles pour s’ancrer dans l’univers de la jeunesse des années 60. Il explore l’ambivalence de la pop : un phénomène léger en apparence, mais entièrement dépendant du marché en pleine expansion. Les adolescents, nouvelle force économique grâce à l’argent de poche, alimentent un système où les idoles et leurs chansons dictent les modes. France Gall, figure incontournable de cette vague musicale, voit son répertoire s’étoffer avec des textes plus incisifs, contrastant avec l’image légère qu’on lui associe encore.
Visuellement, l’album se distingue par une pochette conçue par Monique Kerver, inspirée des œuvres de Piet Mondrian. Une référence en phase avec son époque, alors que le couturier Yves Saint Laurent popularise l’artiste avec sa célèbre « robe Mondrian » en 1965. Ici, les couleurs d’origine sont remplacées par des nuances de vert et de mauve, donnant une touche singulière et moderne au visuel de l’album.
L’influence de Baby Pop dépasse d’ailleurs le cadre musical. Deux ans après sa sortie, le titre est utilisé dans une campagne promotionnelle de la marque Orlon, qui associe l’image de France Gall à sa collection de vêtements. Le disque est même offert aux représentants de la marque, soulignant la place centrale qu’occupe la chanteuse dans l’univers des jeunes consommateurs de l’époque.
Près de soixante ans après, Baby Pop reste un album emblématique, témoin d’une époque où la pop se construit et se réfléchit tout en divertissant. Derrière l’apparente insouciance des mélodies, les textes apportent une profondeur qui contribue à donner à France Gall un statut unique dans la chanson française.
Titres et crédits | 1. Baby Bop 3’21 (S. Gainsbourg) | 2. Faut-il que je t’aime 2’00 (J. Datin – M. Vidalin) | 3. Le temps de la rentrée 1’33 (R. Gall – P. Gall) | 4. Attends ou va-t’en 2’22 (S. Gainsbourg) | 5. Mon bateau de nuit 2’28 (A. Goraguer – P. Delanoë) | 6. L’Amérique 2’20 (G. Magenta – E. Marnay) | 7. Cet air-là 2’33 (A. Goraguer – R. Gall) | 8. C’est pas facile d’être une fille 2’32 (G. Magenta – J.P. Bourtayre – P. Delanoë) | 9. Nous ne sommes pas des anges 2’42 (S. Gainsbourg) | 10. On se ressemble toi et moi 2’45 (C.-H. Vic – R. Gall) | 11. Deux oiseaux 2’20 (A. Popp – R. Gall) | 12. Et des baisers 2’10 (A. Goraguer – R. Gall)
Baby Pop, Les sucettes et 1968 sont réédités simultanément au Japon, en novembre 2000, dans des versions remasterisées en numérique. Ces trois albums, marquant une période clé de la carrière de France Gall chez Philips, illustrent son évolution musicale. Ils s’adressent aussi bien aux néophytes curieux de découvrir cette époque qu’aux collectionneurs avertis.
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Chronique : Traduction du texte japonais vers le français / Octobre 2000 par Michihiko Takahashi / Michihiko Takahashi est un écrivain et chroniqueur musical japonais connu pour ses articles et essais sur la culture pop, en particulier la musique et les films classiques. Il a écrit de nombreux textes dans des magazines spécialisés et a publié des ouvrages consacrés à des artistes et des genres musicaux variés. Son style analytique, combiné à une connaissance approfondie des contextes historiques et culturels, a fait de lui une voix respectée dans le milieu musical au Japon.
Veuillez noter que la traduction ci-dessous peut ne pas refléter fidèlement le texte original. Elle est fournie à titre informatif et pourrait contenir des différences de style, de ton ou de signification par rapport à l’œuvre source. Pour une interprétation exacte et définitive, nous vous recommandons de vous référer au texte dans sa langue d’origine.
L’homme est apparu devant moi, portant une mallette en cuir d’un aspect robuste et impressionnant. Les coins étaient ornés de bordures dorées éclatantes, et la mallette elle-même était vraiment magnifique. Cependant, avec son allure un peu négligée, il ne semblait pas du tout assorti à cet accessoire.
Aux yeux d’une personne ordinaire, il pourrait paraître assez louche.
Tranquillement, l’homme a enfilé des gants blancs, ouvert la mallette et sorti un article soigneusement emballé. Ce qui a émergé en premier était un EP signé de France Gall, dont la pochette, si propre, aurait pu être confondue avec un exemplaire neuf.
J’ai passé la fin des années 80 à travailler comme responsable publicitaire pour un magazine musical. Presque tous les jours, je visitais des magasins de disques à Tokyo, discutant avec les propriétaires érudits et glanant des trésors. Bien qu’il existât des grandes enseignes, la plupart des boutiques étaient de petites échoppes spécialisées dans les vinyles d’occasion. En étendant mes recherches à l’échelle nationale, je comptais environ 300 magasins de disques avec lesquels j’entretenais des relations. Ces expériences constituent encore aujourd’hui un patrimoine précieux pour mon écoute musicale.
Le propriétaire de cette mallette était lui aussi un revendeur de disques rare exclusivement en ligne. C’était à moi de prendre les photos des disques rares qu’il souhaitait mettre en avant dans ses annonces. Bien sûr, il m’a également tendu une autre paire de gants blancs qu’il avait préparée.
Pour beaucoup, France Gall évoque peut-être une chanteuse dont la popularité a refait surface dans les années 90. À cette époque, les artistes de la scène dite « Shibuya-kei » reprenaient souvent ses chansons. On raconte même qu’à un moment donné, Shiina Ringo a été séduite par ses œuvres. Aimer Serge Gainsbourg, puis s’intéresser à Gall, est une trajectoire qui n’a plus rien d’inhabituel aujourd’hui.
France Gall, de son vrai nom Isabelle Gall, est née le 9 octobre 1947 à Paris. Son père, Robert Gall, ancien chanteur d’opéra, était également un parolier prolifique. Encouragée par son père, elle enregistre sa première démo au printemps 1963, et sa carrière décolle rapidement. En novembre 1963, France Gall sort son premier succès, « Ne sois pas si bête ». Ce titre, issu de son premier EP, s’écoule à plus de 200 000 exemplaires en seulement quelques mois.
Par la suite, elle enchaîne les hits. Mais le morceau qui lui permet de franchir un cap en tant qu’idole et star est sans conteste « Poupée de cire, poupée de son », écrit par Serge Gainsbourg. Cette chanson, conçue pour le concours Eurovision de 1965, conduit France Gall à Naples, où elle se produit avec Gainsbourg. Devant un public télévisé estimé à 150 millions de personnes, elle remporte le grand prix. Cette victoire propulse également Gainsbourg dans la cour des grands auteurs-compositeurs.
L’album « Baby Pop » sorti en 1966, comprend trois morceaux de Gainsbourg : le titre éponyme, « Les Sucettes » et « Laisse tomber les filles ».
Parmi eux, « Les Sucettes » est certainement le plus connu. Le titre japonais « Namida no chanson nikki » utilisé à l’époque, révèle une audace de traduction assez frappante. Gainsbourg y décrit les émotions complexes d’une jeune fille avec une poésie tordue, évoquant même l’univers de « I’m Not in Love » de 10cc.
Musicalement, la chanson évoque « One Way Ticket » de Neil Sedaka. On y perçoit l’influence des harmonies caractéristiques de l’époque. Néanmoins, les arrangements de batterie et de tambourin, ainsi que le rôle du directeur musical Alain Goraguer, évoquent aussi le son Motown. À sa sortie en juillet 1965, le morceau se démarque par la force de son rythme.
Plus tard, en 1995, « Les Sucettes » est reprise par l’actrice japonaise Tomoyo Harada, sous la direction du producteur Keiichi Suzuki pour l’album « Egg Shell ».
Keiichi Suzuki a également supervisé d’autres reprises de morceaux de Gall, notamment « N’écoute pas les idoles », interprété par Mariko Fujii en 1983.
Mais revenons à « Baby Pop ». Le talent de Gainsbourg et Goraguer s’illustre ici à travers des arrangements novateurs. La guitare rythmique, par exemple, adopte un style proche du ska jamaïcain, un genre popularisé à l’époque par des artistes comme Millie Small.
Millie Small a triomphé en 1964 avec « My Boy Lollipop », un hit mondial qui a marqué l’avènement du ska en Jamaïque. Ce titre, qui a culminé dans les charts américains et britanniques, a certainement inspiré le morceau de Gall. Les cuivres, notamment, rappellent les arrangements musicaux afro-américains.
En considérant que le célèbre « Ob-La-Di, Ob-La-Da » des Beatles, souvent cité comme exemple d’influence ska, est sorti en 1968, la sortie de « Baby Pop » en 1966 peut être vue comme précurseur. Gainsbourg, qui produira plus tard un excellent album reggae intitulé « Aux armes et cætera », semblait déjà, à cette époque, s’intéresser aux rythmes jamaïcains.
France Gall, elle-même amatrice de jazz, a laissé des classiques inoubliables tels que « Pense à moi », « Jazz à gogo » et « Cœur jazz ». Goraguer, qui a composé certains de ces morceaux, était d’ailleurs un pianiste de jazz accompli. Il a également signé des bandes originales de films, notamment « J’irai cracher sur vos tombes » et « Une femme mariée », consolidant ainsi sa réputation.
Si l’on revient sur la collaboration entre Gainsbourg et Goraguer, leur apport décisif se retrouve notamment dans l’album « Gainsbourg Percussions » (1964), où les percussions dominent, offrant un son unique à la fois afro et latino.
L’album « Baby Pop », accompagné par l’orchestre de Goraguer, est un exemple éloquent de leur travail collectif. Et même si le chant de Gall occupe naturellement le devant de la scène, les arrangements et l’instrumentation sont indissociables du charme des morceaux.
Dans les années 90, la musique de Gall a retrouvé une nouvelle jeunesse, non seulement grâce à la qualité des chansons, mais aussi grâce à ces sonorités intemporelles qui ne semblent jamais vieillir.
Des titres comme « America » montrent un mélange de country et de nuances calypso. Plus surprenant encore, les accords de banjo évoquent des sonorités de l’ukulélé tahitien, un instrument populaire en Polynésie française dans les années 60. Ce mélange unique d’influences atteste du talent de Goraguer et de sa profondeur musicale.
Enfin, en examinant des chansons telles que « Mon bateau de nuit » et « La rose », on retrouve cette richesse d’arrangements. Goraguer, qui a aussi composé ces morceaux, montre une nouvelle fois l’étendue de ses compétences.
D’autres titres, comme « Les Deux Oiseaux », composés par André Popp (célèbre pour « L’amour est bleu »), brillent par leur poésie et leur élégance.
Avec sa voix juvénile mais empreinte d’une maturité étonnante, France Gall a su exprimer les émotions complexes de l’adolescence. Elle demeure, sans aucun doute, l’une des plus grandes chanteuses de la scène pop adolescente.
Octobre 2000 – Michihiko Takahashi